samedi 24 mars 2018

24 mars


Non qu’il ne se passe rien quand il semblerait que rien n’arrive. Il y a une infinité de grains de poussière qui volettent dans un seul rayon de soleil oblique sur le parquet. Binh-Dû serait-il mort que l’infinité ne s’en trouverait pas réduite d’un iota. Et chacune de ces choses qui passent et se passent est susceptible d’être décrite, la question n’est pas là. La question est dans le choix de dire ou de se taire.

Binh-Dû ne cesse d’échapper depuis qu’il est tout petit à un cocasse accident de circulation, où il serait renversé par une voiture tandis qu’il regarderait marcher une fille dans la rue. Cette fois encore, il s’est repris à temps, rejoignant in extremis le trottoir. En se déportant discrètement sur le côté, il décide que le profil droit de l’ingénue qui marche devant lui n’aurait pas justifié qu’il en mourût.

Assise de biais en face de lui dans ce café, c’est la première fois que Binh-Dû la voit mais il lui semble reconnaître celle qu’elle était trente ans plus tôt et qui lui aurait inévitablement brisé le cœur dans une délicieuse douleur. Le regard paraît-il reste le même du bébé jusqu’au vieillard, si l’on n’en gâche pas l’intelligence. Cette femme ne cessera pas d’inspirer de l’amour. Il la contemple raisonnablement.