dimanche 10 juin 2018

10 juin

Dès qu’il y a gare il y a métaphore, médite Binh-Dû sur le quai. Personne n’est tombé sur la voie, qu’on se rassure. Nulle bombe n’a explosé. Il ne s’est presque rien passé, d’ailleurs il ne reste plus que Binh-Dû, les bras ballants, qui regarde l’affichage annonçant le prochain tramway dans neuf minutes.
Il est le premier maintenant. Il peut se diriger lentement vers le bout du quai, comme ça il n’aura plus qu’à faire un pas devant lui pour entrer dans la rame par la porte même où il en sortira, arrivé à destination, juste en face de la sortie. Tout bien ordonné. Les choses telles qu’elles doivent l’être.
Si le tramway précédent et lui sont arrivés simultanément, cela semblait de bon augure. Il a remonté à contre-courant le flot des passagers – pour gagner du temps. Il a voulu entrer dans la rame au dernier moment, la porte était « réservée à la descente ». La porte suivante l’était aussi et ne s’est pas ouverte.
Le tramway est parti sans lui. Les amoureuses de Binh-Dû ont tendance à le laisser sur le quai. Lui-même en demande trop, ou tarde à se décider. Un certain sens tragique consiste à idéaliser la suspension du temps, paniquer à la pensée d'une seule minute perdue. Et accomplir in fine un destin contraire.