lundi 11 juin 2018

11 juin

Alors qu’il emprunte pour la trois millième fois de sa vie la rue de l’égalité, non loin de chez lui, qui descend en pente douce vers le boulevard, avec à droite les locaux d’une agence de publicité et à gauche des pavillons remplis de chiens, de vieux et de petits-enfants qui viennent le week-end s’asseoir sur la balançoire du jardin, Binh-Dû est assailli par la pensée que tout ce quotidien monotone, bien ordonné, égal en toutes choses, n’a d’autre fonction que de contenir la panique. Du moins la sienne, qui menace, tel un rendez-vous solitaire face à la télévision.
« Quelle journée magnifique, cette fois c’est vraiment l’été », s’extasie à l’attention d’une voisine une femme entre deux âges, venue probablement insuffler un peu de dynamisme à ses retraités de parents. Suffit-il de dire pour que soit ? Pour que se restaure l’optimisme des jours prochains ? Binh-Dû devrait en prendre de la graine au lieu d’identifier sous ces mots un sentiment de terreur. Nier la peur relève de la politesse, si l’on veut, il serait peut-être temps de quitter cette ville. Ailleurs, peut-être, le soleil brillerait d’une illusion moins déchirante.