samedi 30 juin 2018

30 juin

Usées jusqu’à la corde, et cela ne suffit pas, il faut encore que tombe la pluie. Sorties du placard elles ont pauvre allure, une araignée morte depuis longtemps a tissé sa toile dans l’embouchure et y a retenu des moutons de poussière. Et pourtant leur mémoire de forme est d’une fidélité à toute épreuve, on pourrait y couler du bronze et l’on se retrouverait avec deux pieds jumeaux des deux nôtres, pesant leur poids de postérité. Ces pieds-là resteraient sans broncher au fond du torrent de montagne, au lieu que les orteils de chair, saisis, se recroquevillent.
Car elles font éponge sur le bitume, c’est confirmé. Mieux vaudrait les enlever et marcher pieds nus. D’un geste auguste, on les laisserait tomber par leurs lacets effilochés dans une poubelle transparente, et l’on serait libre, enfin. Comme s’il ne s’agissait pas toujours de cela... Les torrents de montagne entament leur crue à des centaines de kilomètres, là où se canalisent les habitudes. Ici, nos contraintes ont nom consommation ou endettement. Pourtant il s’agit bien de se mouvoir, la porte est ouverte, l’air du dehors est frais. Sous la douche doucement tiède effacer la déteinte.