dimanche 16 septembre 2018

16 septembre


Muni de son badge, Binh-Dû traverse d’un pas princier les salles du palais, il dévale les escaliers de marbre, franchit les portes coupe-feu, pour un peu il se sentirait chez lui dans les toilettes. L’eau jaillit en réponse à l’arabesque de sa main – car ce n’est pas seulement le badge qui fait sa noblesse, mais également l’élégance de ses gestes. C’est bien simple, on le prendrait pour un danseur.
Du moins il s’y croirait. Passées les lourdes portes, la foule des gens ordinaires attendent de pouvoir entrer, leurs sacs prêts pour l’inspection. Une formalité dont il fut dispensé à son arrivée, après qu’il a coupé la file. À la sortie, direction la crêperie il pleut, les danseurs ont enfilé leur doudoune et leur bonnet tandis que lui parade encore dans sa chemise de soie. Aucun geste ne suspend la pluie.
Et l’emmental enflamme son palais. Binh-Dû serait aussi bien celui qui porte la cloche dans des mains gantées de blanc, ses pieds glisseraient sans bruit sur la pierre, son buste et son cou s’inclineraient avec déférence. La chorégraphie alors cesserait d’être inventive annonciation du prochain risque pour se figer dans la conservation. On mangerait ses crêpes comme dans un musée, perclus par l’effort. Brrr !