mardi 18 septembre 2018

18 septembre


À Binh-Dû l’on explique comment fumer. Pour qui le prend-on ? De fait, il s’étonne de n’avoir pas su qu’il fallait éviter d’avaler la première taffe, attendre la seconde. C’est logique, d’une certaine façon, et cela ne l’est pas du tout. La fumée dessine les cavités de son corps, il sent très vite qu’il pourrait se laisser porter. On lui réclame de faire tourner. Soit, il se rallonge, ferme les yeux. L’une des filles est tout contre lui à présent, comme un enveloppement ferme et doux. Les membres s’entremêlent lentement, il y en a plus qu’il n’y en aurait pour deux, au moins trois jambes et cinq bras, Binh-Dû n’est plus seul, ils ne sont pas deux, sont-ils deux et demi ? Leurs six yeux se rouvrent en même temps, l’une des filles rit et s’éloigne car avec Binh-Dû, non, jamais de la vie ! L’autre ne rit pas, se rapproche un peu plus entre ses bras.
Ce qui est réel n’est pas toujours l’histoire qu’on se raconte. Qui pour entendre cela ? Qui pour ne pas préférer croire que ce qui est réel n’est jamais l’histoire qu’on se raconte ? Qui pour comprendre que l’histoire qu’on ne se raconte plus est la jumelle cachée de l’histoire qu’on se raconte ? Comment traiter avec impartialité ses enfants miroirs l’un de l’autre et miroirs de soi ? Quand donc cessera-t-on de se défier de soi ? Binh-Dû est un personnage secondaire, son oreille est comme aspirée par une connexion qui ne transmet nullement des sons la saveur. La synesthésie est à l’agonie, l’organique est une relique. Ne plus s’entendre, ne plus se voir, ne plus humer le parfum des cheveux, ne plus toucher la peau, ne plus goûter les lèvres, cela donc serait réalité ? Sous le pied de Binh-Dû pousse un cerisier.