mardi 27 novembre 2018

27 novembre

Comme un devoir failli : le contrôleur de compteurs a frappé ce matin et Binh-Dû, échaudé par le souvenir confus de chiens, chats et voisins bondissant par la fenêtre dans sa garçonnière, a négligé de se lever pour ouvrir la porte. Il a préféré continuer à compter les pièces d’un jeu de mahjong dont le seul vice était l’infinité des solutions offertes.
Peut-être était-ce demain déjà, ou l’an passé, ou l’an prochain, tout dépend d’où l’on se situe sur la roue cosmique. Certains Parisiens empruntent tous les jours ouvrés à la même heure les transports en commun pour avancer dans le cercle, puis revenir en arrière, le soir venu. Ils s’immergent dans leur écran. Ils croient avoir gagné un peu de liberté.
Bien au chaud dans son landau, un bébé dort. Binh-Dû détaille le dessin de ses lèvres afin de réapprendre à sourire. La capote transparente qui isole l’enfant de l’affluence est constellée de gouttes de pluie, risque-t-il l’asphyxie ? À chaque arrêt du tram, Binh-Dû chaparde deux ou trois goulées d’oxygène. En sortant, la mère lui sourit, non sans séduction.