lundi 5 novembre 2018

5 novembre


Les averses tombent et remontent, lavant le ciel. Ces rues étaient le territoire d’un ami que Binh-Dû a connu et qui est mort. C’est insensé de se souvenir à quel point il était vivant en un temps toujours à portée de main (suffit qu’on se retourne). La continuité du temps de Binh-Dû ne saisit pas ce phénomène. Un peu plus loin, un séquoia multicentenaire déborde sur le trottoir. Comme un gros homme alerte qui prendrait de plus en plus en plus de place, impossible à ignorer, compliqué à contourner. Les premiers avions de France, paraît-il, se repéraient à sa hauteur déjà imposante – les aviateurs ne sont plus là pour démentir la légende. Binh-Dû se faufile dans les passages étroits en jouant des épaules. Il laisse passer un motocycliste vêtu de vache tannée, dont la bonne amie enserre la taille. Quelques mèches s’échappent du casque. Depuis qu’il s’est coupé les cheveux, Binh-Dû n’attire plus le sourire des femmes. Mais il se sent moins ridicule, a-t-il gagné au change ? Il lui semble avoir rajeuni du scalp, ce qui confère un air étrange ; à son approche, les oiseaux qui piaulaient dans l’épaisseur d’un feuillage persistant subitement se taisent.