mardi 6 novembre 2018

6 novembre

Dans sa jeunesse Binh-Dû était camé. Il se souvient, il s’était rendu maître de ses shoots, ce qui revenait à en être tout à fait esclave. Il aurait prétendu gérer, comme ses pairs. Il lui fallait sa dose, entrer dans l’état, ensuite il se sentait fort, capable de doubler, de troubler, d’épuiser le produit, et même mourir il n’en avait plus peur.
Ainsi jugulait-il la colère, ainsi noyait-il le désespoir. (Il était dramatique, il l’est toujours quand il évoque cette période. On est pour toujours un drogué une fois qu’on l’a été.) La colère frappe encore aux parois de son cœur. Il rechute, par sollicitude envers lui-même – ne sois pas si dur avec toi, laisse-toi aller, fais-toi plaisir...
(On ne vieillit pas dès lors qu’on est mort une première fois.) Les nouvelles douleurs de Binh-Dû lui apprennent qu’il n’est pas éternel. À celles-là il oppose sa farouche volonté de jeunesse. Mais le revers du revers est un miroir qui lui est tendu, seras-tu enfin de ton âge ? Jamais ! fanfaronne-t-il. Alors le drame manque de virer au tragique.