mardi 29 janvier 2019

29 janvier


                Dans les villes nous piétinons la lymphe de la terre – et sans même d’allégresse. Nous ratiboisons les arbres qui filtraient nos fumées. Nous farcissons nos cerveaux de gras – comme s’ils n’étaient pas déjà assez spongieux ! Nous accomplissons mille miracles aussitôt dédaignés. Nous nous grattons la peau sans nous demander pourquoi ça gratte. Nous oublions nos anciennes bonnes habitudes, remplacées par des succédanés – personne n’y gagne au change. Nous nous lamentons de même que nous rions, par commodité. Nous fuyons de toute part.
                Corpus et Alma sont en passe d’atteindre le fleuve. Alma marche devant, la proue de la barque retournée lui fait comme un casque sur la tête, tandis que Corpus porte la poupe aussi bas que possible, au bout de ses bras immenses. Il marche de biais, un peu voûté. Ça y est, ils sont arrivés. Ils vont pouvoir mettre des méandres entre eux et les affamés, d’ici peu rejoindre l’estuaire et de là disparaître derrière l’horizon. Binh-Dû a-t-il un commentaire à faire ? Une prédiction ? Attend-il sur le ponton où tout n’est pas aussi simple qu’espéré ?