lundi 7 janvier 2019

7 janvier


L’insomnie plaque le corps au centre du lit comme on épingle un papillon. Mais Binh-Dû n’en est pas victime, il peut encore se demander quoi choisir. Rester étendu sur le dos et sombrer peu à peu dans l’oubli, ou se redresser pour collecter quelques clefs. Quand il dort, un même dilemme souvent tire sur sa peau, souviens-toi ! Souviens-toi des étonnements accordés, ou meurs. La mort en ce qui le concerne est encore un sommeil dont on se réveille nauséeux. Une obsession de petit matin ou de nuit précoce. L’enseigne aux grosses lunettes clignote tandis qu’il traverse la chaussée de biais, il titube. Il n’a pas bu pourtant, il n’a rien avalé. Il en a gros sur la patate. Sur la langue un cheveu baveux se révèle quand il le porte à ses yeux l’aile d’une fine mouche. Dieu merci, il n’en est pas arrivé au point d’entendre des voix. Les voix qu’il voudrait entendre se taisent, au mieux c’est un chien qui jappe. Les voix qu’il voudrait entendre, il voudrait les toucher comme on goûte un fruit mûr. Tel est le principe de l’impatience à contretemps, se dit-il, en rallumant la lumière tant son analogie est brillante. Le silence est une capillarité épaisse, et l’immobilité paraît indiscrète, un corps peut n’être plus qu’un meuble parmi les meubles, chargé de sa patine, dépourvu de prétention. Binh-Dû, du bout des doigts, caresse doucement le sien visage qui lui sourit.