mercredi 27 février 2019

27 février


       Là où il y a un savoir il y a une action, philosophe Binh-Dû dans son sommeil. Cela sonne mieux en espagnol. C’est peut-être un dicton entendu il y a longtemps et qui resurgit à l’improviste. Le téléphone sonne mieux quand c’est une personne aimée qui appelle. Mon amie la plus chère, a dit Binh-Dû un jour, et il lui est apparu que c’était insultant pour tout le monde. Maintenant il s’entraîne à ne plus réagir, tout en s’inquiétant du message envoyé à lui-même. Laisser sonner. Les oiseaux picorent sur la pelouse des étoiles givrées, à peine dénaturés.
       Il est dangereux de sous-estimer la mélancolie. On se retrouve à méditer-léviter à quelques centimètres au-dessus du sol, ce qui en soi n’est pas désagréable, mais c’est une habitude dont il sera difficile de se libérer. Vivre en léger décalage par rapport à soi, même les ombres s’en trouvent perturbées. Nous aurons bientôt la possibilité de composer des numéros surtaxés qui offriront de parler à des opérateurs/trices 100% humains. Zéro trace de robot, charte de qualité oblige. On appellera cela le sexe nature, quel que soit le motif de l’appel.
       Sur l’île il n’y a pas de téléphone. Mais il y a de gros chiens noirs. Ils entrent dans les huttes, grimpent même à l’étage par les échelles. Au début, Corpus et Alma étaient surpris, puis ils se sont habitués. Les habitants sont surtout intéressés par Alma, il semble que ce soit depuis qu’ils ont compris qu’Alma était son nom. Elle ne se l’explique pas. Corpus non plus, dont la force physique est négligée. Lui qui est né orphelin fait des rêves étranges où il se retrouve petit garçon et doit frapper son père au visage pour qu’il lâche son bras.