dimanche 27 août
Ça refuse encore. Est-ce le sens de la marche qui rend la forêt sombre ? Se pourrait-il qu’à mi-journée, rebroussant chemin, cela devienne plus doux ? Pas vraiment. Il y a de drôles de gens qui ne me font pas rire, qui se promènent en famille, la boutique de l’abbaye attire les touristes grâce à ses fromages et ses confiseries au miel. Je passe, triste sire, je réponds aux « Bonjour ! », je souris par réflexe, je m’empresse de regarder ailleurs. (Tellement je déplore ce que je perçois. Dans le paysage, ce que je perçois d’humain, j’ai tendance à le renier. Leur industrie, leur chimie, leurs « biens de consommation », leurs divertissements. Cette voiture où je brûle du pétrole pour aérer mon cafard. Et quand je ne déplore pas, la solitude me poigne. Mes amies sont trop loin. Mes amies si belles ne pensent pas comme moi, elles ne déplorent pas à tout bout de champ. Elle s’inquiéteraient que je déplore autant.)
Je pense ailleurs. Je pense que ce n’est pas tant moi qui, à chaque pas, adresse des adieux rageurs au monde... que le monde lui-même qui se dérobe. Sous mes pieds, où s’abîment toute joie et toute espérance. Comme si lucide, enfin. Non, ça ne va pas bien. Et la moindre gentillesse relative me dévaste. Un regard échangé qui se révèle vaguement sympathique. Un chien qui a laissé tomber son os en peluche en me regardant passer à l’aller, au retour la peluche n’a pas bougé et le chien n’est plus là. Je marche avec un millier de corbeaux au-dessus de ma tête. (Et pourtant… Si j’étais l’une de mes amies j’aurais raconté plutôt les chevaux placides au bord de l’eau, les haies de troncs noueux, ouverts, tels des viscères sublimées par la patine des mousses, la fée facétieuse sur les panonceaux pédagogiques du sentier des tourbières, les papillons… Peut-être la laisserai-je écrire demain, et moi je me tairai.)