jeudi 24 octobre 2024

Rhizomiques #194

 « Notre prophète dit que le Paradis se trouve sous les pieds de notre mère. Pour moi, cet endroit n’est plus sur terre. »
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C'est fini, répéta-t-il. Il ne restait plus rien de la foi et de la consolation qui avaient nourri des générations et des générations, cette conviction que, bien que notre séjour individuel sur Terre doive un jour se terminer, ce que nous aimions, ce qui comptait pour nous continuerait après nous, le monde auquel nous avions appartenu nous survivrait – cette époque était révolue, dit-il. Notre monde et notre civilisation ne survivraient pas. Il nous faudrait vivre et mourir en en étant conscients.
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Dans le creux que laisse apparaître une empreinte (…) on peut voir que quelqu’un ou quelque chose est passé. La présence de la trace témoigne de l’absence de ce qui l’a formée. Les traces ne donnent pas à voir ce qui est absent, mais plutôt l’absence même.
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Cela devint une sorte de quête, de trouver ces arbres tant qu’ils fleurissaient encore. Elle conduisait lentement et freinait souvent, s’égarait sur les routes secondaires, cherchant pommiers, pruniers, poiriers ou figuiers plantés il y avait bien des années pour les années à venir, par des gens qui gisaient désormais dans des tombes ignorées, tandis que leurs maisons, leurs granges et leurs champs retournaient à la terre, ne laissant plus que ces vieux arbres, messages envoyés par des inconnus, ou cadeaux laissés par des fantômes.
 
Erri de Luca (in La nature exposée)
& Sigrid Nunez (in Quel est donc ton tourment ?)
& Sybille Krämer (citée par Lola Lafon in Quand tu écouteras cette chanson)
& Jean Hegland (in Apaiser nos tempêtes)

mardi 22 octobre 2024

A contre-saison #24

 22 avril

Fleurissaient les paulownias...

 
[Bon, le blog cahote au ralenti - mais on va se secouer les ailes et revenir très bientôt avec
de nouveaux "rhizomiques" !]

jeudi 3 octobre 2024

A contre-saison #23

3 avril 2024


Les feuilles étaient toutes tombées, elles ne le sont pas encore...

mercredi 4 septembre 2024

A contre-saison #22

4 mars




Le silence est un rythme, écoute-la respirer.
Un jour elle prend appui, le suivant elle repousse.
Ce qui se dégage est trouée aveuglante.
Mais toujours la danse comme un vertige et un écho. 

jeudi 29 août 2024

On est là, tout va bien

"On cherchait un endroit où se planquer,
ou quelqu'un qui nous ferait rire"

Rouge Elea

 Rouge Elea - On est là tout va bien ! (début création)

https://vimeo.com/647293786

... en prolongation de considérations... 
(cliquer sur le bleu)

mercredi 21 août 2024

Toujours la même planète

jeudi 6 octobre
 (9/9)

[le jour suivant ce jour d'avant]

Il reste encore la promesse d'une ascension avant de m'en retourner dans la plaine. J'ai changé de massif ou bien non, ce sont toujours les Alpes mais d'autres cirques de montagne. C'est toujours la même planète. La terre est humide au départ, pour ce dernier jour le dénivelé est le plus raide. En bas, donc, il y a de l'eau, et une cascade qui dévale entre les rochers d'une forêt obscure. Le soleil en cette saison passe au large du zénith, et ses rayons n'atteignent pas le fond des vallons. L'air embaume les champignons.

Trois chasseurs en treillis militaire mangent du saucisson à une table de bois, ils sont arrivés en haut de la forêt par la piste. En 4x4. Je les salue chaleureusement pour ne pas les haïr, ils ne me proposent pas de casser la graine avec eux. D'ailleurs je suis trop loin déjà, sur le flanc nu de la montagne. Plus on s'élève, plus le monde semble une illusion d'optique. Le col que je croyais à portée se révèle simple replat, il faut grimper encore. Et encore. Enfin, voici... un lac, et la ligne de crête qui à nouveau se dérobe.

Je vois le sentier traçant en biais dans un pierrier, par là le col est à une heure de marche peut-être. Mais si je grimpais tout droit, hors sentier, n'atteindrai-je pas plus vite ce moment magique où s'ouvre à la vue la vallée opposée ? Je manque de temps, souhaitant éviter de redescendre à la nuit. J'y vais. La crête semble à portée de pieds et de mains. La pente est à 50° et mon cœur bat, je dois m'arrêter tous les vingt mètres. J'y vais, mais la crête n'en est toujours pas une. Il faut grimper, continuer. Encore une fausse crête. Il faut continuer.

Faut-il vraiment ? Le jour décline, le temps passe, je m'épuise, la vue est grandiose déjà dans mon dos. L'histoire pourrait être celle d'une dernière ascension sagement avortée, et elle prendrait non moins de sens que si j'accumulais une conquête de plus. Oui mais : je veux voir ce qu'il y a de l'autre côté ! Je le veux. Il le faut. J'y suis presque. J'y suis presque. J'y suis presque. J'y suis. Et tout est justifié. La mer de nuages en contrebas. Le panorama à se dévisser le cou. Les ombres, les couleurs, le souvenir prochain de la neige. La sérénité d'un devoir accompli.

Je regagne, en quittant les sommets à l'oblique, le sentier qui montait au col. Je redescends plus vite que le jour. Les rhododendrons ferrugineux s'illuminent aux ultimes rayons du soleil. La forêt est devenue glaciale. Il fait nuit. Une mouche s'enferme dans la voiture. Elle part avec moi. Je lui parle. Que me dit-elle ? Elle ne comprend pas que le seul endroit par lequel elle ne peut pas s'échapper, c'est l'espace évident du pare-brise. Il lui faudrait retourner dans la caverne. J'ignore ce que je ne comprends pas. Je m'échappe en me croyant libre. Je rentre chez moi. Je fus heureux.
 


mardi 20 août 2024

Contre-temps textuel


Reprendre le fil...
 
J'ai fait une pause de quelques jours.
Je me suis retranché de l'"actualité".

Il y a une mise en attente plus ancienne encore, qui s'est imposée en conséquence du 7 octobre 2023 et de toutes les journées génocidaires qui ont suivi.

Je ne me sentais pas de publier de jolies histoires de vacances en montagne.
J'espérais que l'horreur cesserait sans trop tarder.
Pouvoir retourner à une indécence comparative moins criante.
Il ne me restait plus qu'un billet de blog pour conclure la série entamée.

Mais il est trop tard pour l'espoir.
Cela fait trop longtemps qu'on attend que cesse le massacre des Palestiniens.
Quel soulagement pourront encore ressentir les survivants, dans quel état de désespérance et de deuil seront-ils ?

Durant ma pause estivale, au festival de Chalon, j'ai rencontré des danseurs, des comédiens, des circassiens. De ceux qu'on nomme "intermittents". 

Ils créent de quoi s'enthousiasmer malgré les génocides, le saccage de la planète, le fascisme - car sinon la défaite est totale.

(Par ailleurs ils votent, militent, contribuent très concrètement à améliorer notre société.)

Je crois qu'être heureux et créatif - en dépit d'un monde à pleurer - nous incombe, tant qu'on en a l'énergie. Sinon on dépérit. Je dépéris. Je ne suis plus bon à rien.
 
Aussi je finirai par publier demain le dernier billet de cette série d'en-dehors qui commence à dater. Qui date d'un temps d'avant. Justement, pour aller de l'avant.

Et ensuite on verra.