lundi 29 juin 2020

Interlude #8

Não Sei

Obrigada, as viagens sonhadas 

Iglesias

Un mundo feliz
Baños en el mar
Sueños de cristal
Azul

samedi 27 juin 2020

à qui faire traverser le fleuve


27 août
Jour 20
 
La belle âme, et cela rejaillit sur l’esprit et le corps…  En vingt ans tu n’as pas passé dix heures avec elle – moins qu’avec ta propriétaire ! (Comme on dit, ce possessif parfaitement absurde, ainsi l’esclave dit mon maître et le chien pense mon homme.) Mise en équivalence parfaitement absurde, pour cette âme si belle tu quittes ton studio, tu infléchis ta route du retour, tu irais jusqu’à promettre une fidélité de vingt années supplémentaires, un bail signé les yeux fermés. Les yeux ouverts tu l’écoutes, c’est un bonheur.
Au loin dans le bois les criquets, au près sur la pelouse les grillons. Tu demandes, tu n’es pas sûr, tu aimerais connaître le nom des animaux tant qu’il y en a, et celui des arbres. Une goutte unique tombe sur le dos de ta main, longtemps après que la voisine a affirmé qu’il pleuvait. Elle et ton autre amie parlent de chiens, ça t’intéresse aussi - leurs caractères, leurs aventures, la qualité si désirable de leurs silences. Au matin il y en avait trois comme la chèvre, la salade et le loup. Et encore un quatrième à qui faire traverser le fleuve.

vendredi 26 juin 2020

pour toi tout seul ; en bonne place


26 août
Jour 19

Un parking ombragé pour toi tout seul, dans la vallée. Vers six heures du matin se garent, en une noria éparse, les voitures d’ouvriers qui embauchent ; forcément ont remarqué ta masse allongée dans le sac de couchage, le fatras à l’arrière, la serviette mise à sécher, l’immatriculation du vacancier. Aucun ne te crève les pneus.
Les gendarmes t’arrêtent, tu joues l’innocent, n’a bu, n’a fumé, ne se drogue, papiers en règle, contrôle technique à jour, et même tu t’intéresses ; tellement accommodant, si tu étais à leur place tu te menotterais illico.
Mais non, tu marches sous le cagnard à la recherche infructueuse d’un viaduc conçu par Gustave Eiffel, tu l’aperçois de loin et personne aux alentours – les honnêtes gens sont chez eux ou à leur travail.
Tu retrouves des amies de vingt ans comme si c’était hier ; certitude que vous êtes en bonne place.

jeudi 25 juin 2020

les nuages donnent de l'ombre aux arbres


25 août
Jour 18

Ah oui, et puis il a rencontré une fille aussi, qui ressemblait à une pianiste, leurs genoux nus se sont effleurés, elle l’a suivi quand il s’est extirpé d’un mauvais spectacle. Il a essayé de lui faire comprendre combien il était un type formidable, mais comme elle lui racontait en retour, et contre toute logique, qu’elle allait retrouver son copain, il a affirmé que cela tombait bien, lui-même partait dans la direction opposée, il avait rendez-vous. Le lendemain, les jambes sont lourdes à l’assaut du puy. Pas pour tout le monde, des gens commentent, il y a toujours des gens. Leurs conversations sont assommantes. Tu te souviens, elle te disait « J’aurais besoin de silence maintenant », et vous marchiez ainsi longtemps, paisibles… jusqu’au prochain désir d’échanger des mots.
Les nuages blancs donnent de l’ombre aux arbres qui l’ont bien mérité. Les gypaètes survolent la vallée sans un battement d’aile, une marmotte lance des avertissements stridents. Une symphonie de clarines résonne au gré de la rumination des vaches. À chaque pas, vingt sauterelles s’envolent et heurtent tes mollets (tu les chasses ; si elles prenaient le goût du sang humain, qu'adviendrait-il de nous ?). Et ces nuées de fourmis volantes, de quoi se nourrissent-elles ? Un extraterrestre surgi du cosmos s’extasierait, puis il découvrirait la dynamique de destruction en cours sur cette planète, puis il apprendrait que les hommes connaissent l’importance des forêts et pourtant les déciment, puis il repartirait , dégoûté, il reviendra quand tout sera à recommencer.
Où sera Binh-Dû ? Il mange une banane exotique. Un taureau couché sur le chemin se lève à son passage. Un chien de camping placide se déplie soudainement. Sur ses paupières la nuit tombe en douceur.

mercredi 24 juin 2020

il est ici question de courage

24 août
Aurillac


Jour 3 bien entamé, un homme dort sur un matelas posé à même le trottoir. Son bras allongé effleure une bouteille de bière couchée sur une palette, goulot ouvert. Quand tu baves c’est que vraiment tu as sommeil. Tu va pisser sur des mauvaises herbes tel un clodo indésirable. Le ciel terriblement bleu réchauffe ton pain au chocolat. Quand tu retournes à ton habitacle, l’homme a traversé la rue avec son matelas, du côté du mur à l’ombre. La palette est dressée contre le mur au soleil, comme on range son studio. Plus trace de la bouteille, encastrée dans un rangement secret ? Il est ici question de courage. Tu finis ta viennoiserie, bien calé dans le siège conducteur. Les clés dans une poche, le portefeuille dans l’autre, tu rejoins la foule. Tu déboutonnes ta chemise sur ton torse nu, eux n’ont pas de chemise. Certains marchent pieds nus. Pour rien au monde tu ne t’offrirais à l’aiguille d’un tatoueur. Tu parcours la ville d’une pastille à l’autre, ton programme annoté à la main. Dans une cour passante a été accroché un hamac entre un cerisier et une grille de rez-de-chaussée, son occupant sourit aux habitants et aux festivaliers. Un bonnet de rastafari est posé à l’envers sur le sol, des pièces et un billet de dix euros en dépassent. « Vous devriez prendre ce billet, ou vous allez devoir garder les yeux rivés sur lui », conseille une dame. « C’est vous qui avez les yeux rivés sur lui », constate-t-il, plus proche de la tristesse d’un Christ que de l’alacrité d’un Diogène. Pendant ce temps des comédiens travaillent, certains dotés d’une surhumaine présence de corps et d’esprit, mais ceci est une autre histoire de courage. Tu as passé un tee-shirt par-dessus ta chemise, tu avais un peu froid. C’est la fin, les batucadas persistent. Tu t’emmaillotes dans ton sac de couchage et t’en vas rêver d’exploits insensés et de liberté.

mardi 23 juin 2020

les chiens continuent de tirer la langue


23 août

Jour 2, les chiens continuent de tirer la langue. Et leurs maîtres, des poids quasi morts affalés au bout de la laisse. (Quoi ? Qui à quel bout ?) Il paraît que la Despé tient mieux ses 30 degrés. Sur la langue un certain goût amer, à submerger au plus tôt. Ils se sont couchés quand le jour s’est levé, moites encore et déjà. Même Binh-Dû apprécie le faux marbre d’une entrée d’immeuble, où viennent le rejoindre deux clodos au bout du rouleau. Les puces de leurs chiens évaluent la distance qui les sépare de ses chaussettes – laine et coton, quelle idée ! « Salut l’artiste », le salue-t-on. Plus loin un homme-dauphin déchire à pleines dents un maquereau cru. Quel magnifique animal ! Il fait si chaud parce que la forêt amazonienne brûle. Nous dansons sur un avenir révolu, comme à un enterrement alternatif. Un faux chaman brandit le sigle de Om au-dessus d’une foule extatique, il grimace, Binh-Dû, es-tu à ta place ? Veux-tu danser, oui, non ? Et si l’on te facilitait la tâche, d’un pied sur l’autre ? Commencer par un bisou sur la joue. Un barbu te surprend par derrière, dommage, la fille qui danse devant et celle qui danse à côté étaient bien plus jolies.