lundi 28 novembre 2022

Juste quelques instants enchantés

Mercredi 15 septembre, jour 5
 
Ton histoire est pauvre en rebondissements. Nul suspense, peu de dilemmes à résoudre, guère d'aventure sur la route. Les rencontres déterminantes, peu ou prou tu les contournes.
Une jeune femme que tu aurais pu séduire dans un cimetière, à l'occasion, se trouvait hier sur la terrasse d'un hôtel parisien et embrassait un inconnu. Elle ne t'en a pas averti à l'avance - pourquoi l'aurait-elle fait - et de toute façon tu as quitté Paris.
Les regrets, chez toi, ne durent jamais longtemps, ou bien c'est qu'ils se perdent dans la masse.
Les rencontres, tu ne les appelles pas.
Les portiers d'hôtels te refouleraient.
Plus souvent tu dors dans une vieille voiture, tu as développé une véritable compétence quant au choix des endroits propices. Tu es un expert en discrétion.
(La nuit d'avant le premier jour, probablement étourdi par l'inhalation continue de la poussière de cigarette incrustée depuis vingt ans dans les sièges et tout l'habitacle de cette voiture qu'on t'avait prêtée, tu as commencé ta nuit près d'un phare avant de t'aviser qu'une fête de vendredi soir te martelait les oreilles de ses pulsations de cœurs en crise. Tu es parti te garer près d'une église aux cloches castrées qui te semblait bien plus paisible, avant d'être réveillé par les maraîchers du samedi qui s'installaient autour de toi avec leurs diesels et leurs énergiques exclamations de gens de l'aube.)
Tu vérifieras plus tard si tu as perdu le mojo. Pour l'instant tu dors dans un lit. Cela ne facilite pas les aventures (puisque tu ne cherches pas les rencontres). Te manquent un peu la condensation sur le pare-brise et le sac de couchage humide, les premiers pas dans la rosée, la plage pour toi tout seul à l'aurore et au crépuscule. Les petits conforts très relatifs. Les repas froids. L'hygiène aléatoire. Le sevrage complet des écrans.
Des pensées hallucinées, des révélations éclatantes, des bonheurs d'existence à en accepter de mourir sur le champ - mais en fait non, s'il-vous-plaît, j'en voudrais encore !
Tu retournes où tu étais le deuxième jour, cette fois il n'y pas de promeneurs du dimanche.
C'est mieux.
Tu es en meilleure forme physique et mentale.
(Il est entendu que ces vacances portaient en elles-mêmes une urgence de guérison.)
La mer est plus basse et le coefficient des marées décroît mais on peut encore marcher dans l'eau.
Et revenir, espérer un coucher de soleil aussi flamboyant que le troisième jour.
Mais non, pas de rouge incandescent sur la palette.
Juste quelques minutes d'enchantement parme, turquoise, fuchsia.
Et tu reviens à la nuit noire, parsemée d'étoiles et d'un croissant de lune, sous les pins et les chênes, levant haut les pieds pour ne pas les heurter aux racines.

jeudi 24 novembre 2022

comme en désirable apocalypse

Mardi 14 septembre, jour 4
 

Tu habites chez le chat de ton amie absente, elle-même n'est-elle pas plutôt l'amie de ce chat ? Il a ses habitudes qui ne sont pas les tiennes, et ses attentes que tu ne comprends pas toujours. Il te semble qu'il ne boit jamais bien que tu remplaces l'eau de son écuelle, comment vous comprendre alors que toi-même as la pépie ? Quand tu as fait sa connaissance, quelques années auparavant, il vivait dans une maison champêtre, souvent il ramenait le cadavre d'un mulot, d'un orvet ou d'un moineau, comment vous comprendre ? 
Tu tolères sa nature féline. 
Tu le préfères domestiqué. 
Son regard parfois te semble une injonction à savoir quoi faire, pour réfléchir tu te réfugies dans les toilettes et tu fermes la porte. 
Tu viens t'asseoir près de lui pour prendre ton petit-déjeuner, il t'observe entre deux séquences de léchage de pelage. Il est beau. Chez lui il semble bien chez lui. 
Ton amie a laissé du désordre sur la table basse, le bureau, la moquette, tu notes ses arrangements fonctionnels et quelques paresses. Il y a une trousse à moitié ouverte, des plantes vertes qu'elle a négligé de te demander d'arroser, un plaid élimé et griffé recouvrant un fauteuil, des livres sur les arbres, les remèdes naturels, le capitalisme. Tu es pris d'une bouffée de tendresse pour elle, qui vit ici, ses innombrables choix de petits riens. L'intimité que cela exprime.

Tu sors retrouver une autre amie, qui peut t'émouvoir tout autant. Dans sa vie à elle il y a un chien, de nombreux chats, des poules et des canards. Elle te montre ses massifs d'asters, les papillons qui butinent, elle caresse le dos des abeilles. Vous prenez le café dans le jardin, des visiteurs passent, elle te raconte la vie au village, les nouvelles de la famille, le travail. Elle t'amène à raconter un peu, toi aussi, ce que tu deviens. Et comment tu ressens l'air du temps. Elle traverse sans état d'âme l'ère Covid, contrairement à toi, vous différez d'appréciation mais ce n'est pas le plus important. Elle t'offre des œufs, des pommes, des pêches, et un bocal de soupe au potiron.

Sur la falaise tu cours pour respirer mieux. Tes cheveux volent derrière toi, tu ne les as pas coupés depuis bientôt deux ans - afin de hâter la fin de la pandémie. Le soleil est encore haut dans le ciel quand tu arrives à l'estuaire alors tu remontes les méandres de la rivière. La mer est basse et les rives envasées, tu obliques dans la forêt, te retrouves sur une route asphaltée où nulle voiture ne roule, comme en désirable apocalypse. De retour sur la côte le soleil t'a attendu, tu te diriges à sa rencontre. Passe une femme radieuse, qui regarde au loin.Puis une seconde, qui te sourit. Vous vous retournez presque simultanément après vous être croisés, avec juste assez de décalage pour faire comme si l'autre n'invitait pas à s'arrêter, revenir en arrière, faire connaissance. Deux fois. Elle s'assied sur un rocher qui domine la mer, toi aussi, vous êtes à présent à trois cents mètres de distance l'un de l'autre et tu n'es pas sûr qu'elle te regarde toi ou bien le paysage. Tu n'es pas sûr de ce que tu veux, de ce qui se peut. Elle repart.
Tu cours, tu te dépêches, le soleil n'est plus loin de disparaître.
Puis voilà. Il y a peu de nuages, c'est décevant.
Tu reviens, avant la nuit.

lundi 21 novembre 2022

Tu te resources à la ligne d'horizon

 Lundi 13 septembre, jour 3

Oh, dépêche-toi ! Tu as fait des rêves horribles et il est tard déjà, la mer monte de plus en plus tard.
Sur la plage, une grosse dame te demande de photographier le pansement purulent qui se décolle sur son bras, pour envoyer à un ami. Dans tes rêves, on conduisait par la main des enfants au four crématoire, un par un, en les tranquillisant.
Tu n'as pas très faim, tu te forces un peu.
Tu changes de plage. De l'autre côté de la baie, la vue porte encore plus loin et l'on peut marcher longtemps. Tes chaussures pèsent leur poids au bout de ton bras, tes pieds nus s'enfoncent à chaque pas dans des tourbillons instables, comme tout ceci t'a manqué ! Tu te ressources à la ligne d'horizon ; quand tu t'en détournes, c'est pour chercher des améthystes parmi les coquilles de bigorneaux. Tu n'en trouves pas, mais un caillou blanc et poli qui se love idéalement dans ta main.
Tu marches, tu marches, jusqu'à ce que le soleil soit suffisamment bas pour que tu fasses demi-tour et reviennes en regardant le ciel intensifier ses teintes. Plus tu avances, plus c'est beau, à un moment il te faut t'arrêter pour admirer tout ton saoul. C'est un émerveillement, une ivresse, tu n'as jamais rien vu d'aussi beau, au fur et à mesure que les derniers rayons éclairent par en-dessous les nuages. Tu penses à des peintures admirées dans des musées à température contrôlée, qui ne sont en comparaison qu'évocation de la splendeur à laquelle tu assistes. Tu es dans le tableau. Le ciel tout entier, depuis là-bas où le soleil se couche jusqu'au-dessus de toi et en arrière encore.
Tu ne comprends pas qu'il n'y ait presque personne face à un tel spectacle. Ou tu comprends trop bien : toi-même étais ailleurs les jours d'avant. C'est l'heure du dîner, du coucher pour les plus petits. L'heure de la fin du journal télévisé. (Et demain, ce sera Koh-Lanta !)
Il fait nuit à présent.
Tu n'es pas sûr de l'endroit où tu as garé la voiture, il y avait un bosquet d'oliviers ? La nuit tous les arbres sont gris. Un chat t'attend sans t'attendre. Tu es heureux.

jeudi 17 novembre 2022

C'est un moment parfait, tu te souviens

Dimanche 12 septembre, jour 2
 
Il y eut donc un matin. Tu as dormi longtemps. Tu connais peu de gens comme toi, dont le sommeil est léger les premières heures mais qui comatent irrépressiblement dès le jour revenu. Certaines insomniaques t'ont détesté pour cela. Certaines histoires n'ont pu être vécues du fait d'un trop grand décalage.
Il est onze heures. Le soleil trace des rectangles chaudement ambrés sur le parquet de la véranda, où se nettoie le chat dans une posture yogique après que tu l'as nourri.
Allez, la mer doit être encore haute au bout de la rue !
Suffisamment. Malheureusement c'est dimanche, les gens se promènent sur la corniche en encombrante procession. Pour les fuir tu te glisses dans le chantier naval interdit au public ; tu en ressors à l'opposé, un grillage cisaillé donne sur un petit bois de pins attaqués par les chenilles. Puis tu reviens à l'appartement en décrivant une boucle autour du port. Tu ne voudrais pas trop perdre de temps aux heures plates. La fin de journée t'intéresse davantage, tu prévois d'accompagner le déclin du soleil sur une plage blanche.

Est-ce révélateur, de préférer le coucher au lever du soleil ? Ou simple histoire de latitude, puisqu'en France le soleil ne rencontre de ligne d'horizon maritime qu'à son coucher. Le chat se frotte contre tes jambes, tu lui redonnes un peu de pâtée en boîte et quelques caresses. On t'a prêté un chat, il ne s'agit pas seulement de le nourrir. Tu lui parles, d'une voix blanche.
Est-ce la vérité, ce sentiment de ta voix, et les rides en sillon partant de tes yeux ? N'es-tu pas quelque peu mélodramatique ? Est-elle normale, la fatigue qui t'assaille soudain ? Tu te couches, tu t'endors comme une masse.

Tu te réveilles, c'est l'heure du quatre heures, tu sautes dans la voiture pour filer vers la plage de tes rêves, de l'autre côté de la baie. Maintenant la mer monte. Il y a des gens mais tu peux ne pas les regarder quand tu les croises sur le sentier. Tu marches en rebord de falaise, puis sous les arbres, la plage est plus loin, tu l'atteindras au bon moment : quand les familles en partiront.
Voilà, tu marches pieds nus le long de la marée montante, les vaguelettes en déferlant éclaboussent tes mollets. C'est un moment parfait. Tu te souviens. C'est un moment parfait de la vie que tu as vécue jusqu'ici. Du plus loin que tu te souviennes cette plage t'a connu, et tu connais toutes les plages pour la sensation des vagues et du sable fin sous tes pieds. Sur le sable sec tu te poses, le ciel déjà s'intensifie.
Depuis quinze mois tu n'as pas connu de ciel aussi vaste ! Tu te soulèves en flexion sur tes bras, la tête entre les jambes tu regardes l'horizon inverser sa légère courbure. Tes cheveux longs balaient le sable. Tu te sens chat, un peu. Tu ne comprends pas pourquoi tu es seul alors que tu sais qui tu aimerais avoir auprès de toi.
Le ciel s'est couvert de nuages, à en étouffer les couleurs du coucher, peu importe : tu refais le chemin dans l'autre sens, cette fois il n'y a plus personne d'autre que toi sous les arbres et sur la falaise.
Il fait nuit.
Tu as bien fait de venir.

mardi 15 novembre 2022

Commencer comme s'il n'y avait rien avant

Samedi 11 septembre, jour 1

Commencer comme s'il n'y avait rien avant.
D'un coup tu te retrouves sur la falaise, avec la mer qui bat les rochers en contrebas, les mouettes et les cormorans dans le ciel immense, et un sentier côtier qui semble ne jamais devoir finir. Commencer comme s'il n'y avait pas d'avant et comme si nulle fin ne t'attendait.
Comme si tu n'avais pas plutôt le sentiment que tout est fini déjà, l'histoire, l'espérance, les ambitions, et que le temps qui reste n'est qu'un supplément illusoire – mais cette pensée dépressive, ne relève-t-elle pas du temps d'avant ?
Comme si tu n'avais pas subi un long trajet dans une voiture qu'on t'a prêtée, incrustée de fumée de cigarette, ce paradoxe déjà d'avoir mal à la tête, au dos, d'être parti en pleine acédie, mais d'être parti quand même, en l'absence même de désir, par désespoir ? Et de retrouver un élan joyeux, presque à courir malgré ton épuisement mental.

Voilà : ici commence… un post-scriptum.
Tu vas passer une dizaine de jours en bord de mer, à nourrir un chat dans un appartement qu'une amie laisse à ta disposition. À retrouver le sourire ? Dans un miroir inconnu tu découvres ton visage à fleur de peau, des rides verticales comme des sillons de larmes. Désespéré, mais pourtant un ami fumeur t'a prêté sa voiture, une amie voyageuse t'a prêté sa maison. D'autres se sont réjoui que tu aies pu changer d'air – après quinze mois d'engluement parisien !
Tu penses à eux, est-elle étrange, ta solitude ?
Déjà le soleil se couche, adossé à un mur de pierres chaudes tu regardes les lueurs du ciel. Devant toi les vagues brisent doucement, tu t'es levé, tes pieds creusent le sable au ressac. Le soleil a disparu de l'autre côté de la baie, c'est fini mais cela continue encore un peu : les nuages rougeoient de plus belle.
Et la nuit pourrait être dernière.

jeudi 10 novembre 2022

Rhizomiques #124

Je vais maintenant vous parler de ma femme. Mon ex. 
Ce qui me manque le plus, c’est ma main sur sa hanche. En faisant la queue au cinéma ou lorsqu’on s’affairait dans la cuisine pour préparer un repas. Un de ces petits bonheurs sous-estimés de la vie à deux. 
Ma main sur sa hanche, n’importe quand. 
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« Comme tu es silencieux, lui dit-elle un soir, assise par terre devant le chalet, lui caressant la jambe du dos de la main. 
- Sans doute. 
- Moi j’ai l’habitude d’exprimer ce que je ressens. De raconter des âneries. D’avoir des réactions impulsives. A côté de toi, je me fais l’effet d’une folle. 
- Pas du tout. » Il sourit, promène une canette glacée sur la cuisse bronzée de Deb, et se sent plus heureux qu’il n’aurait jamais espéré l’être. 
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Je songe à ton regard de volupté et de douleur tendre qui m’a tant touché le jour où je t’ai vue la première fois avec ton grand chapeau cavalier et ta blouse orange où s’est concentré pour moi désormais tout le soleil. 
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Elle tenait un petit plateau plein de mandarines qu’elle me tendait dans la buée d’un sourire. Pris de trouble je m’entendis prononcer : « Que vous êtes belle avec ces mandarines. » Je retranscris aujourd’hui avec un sourire amusé ces premiers mots entre nous et je me dis cependant que la pauvreté inouïe de cette phrase réfléchissait la plus somptueuse image qu’un peintre pouvait recevoir.
 
Craig Davidson (in Les bonnes âmes de Sarah Court
& Robin MacArthur (in Heart Spring Mountain)
& Guillaume Apollinaire (in Lettres à Lou)
& Serge Rezvani (in Le testament amoureux

mardi 8 novembre 2022

Rhizomiques #123

Je restais dans la même incertitude : qui était-il, quelles étaient ses intentions ? Je n’avais jamais eu d’admirateur aussi impénétrable. Il ne me touchait jamais, sauf par courtoisie – me serrant la main pour me saluer, m’aidant à monter dans la voiture, à franchir une porte à tambour ou à me dégager d’une ronce. Pourtant, à sa façon, il était transparent. Il était dévoré par une douleur solitaire. Il donnait l’impression qu’on pouvait voir à travers lui. Comme ces élégants chiens de race dont on ne sait comment ils peuvent contenir les organes d’un corps normal, on ne voyait en lui aucune place pour une vie sensuelle ou émotive normale. Il n’était qu’une très fine pellicule étirée. 
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Il faisait partie de ces hommes tellement virils que l’on ne sait pas si les émotions et les sentiments font partie de leur équipement d’origine. 
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Parfois, elle ne comprend qu’une partie de ce qu’il dit. On édulcore la réalité, dit-il. L’univers pourrait être contenu dans une tête d’épingle. Les particules élémentaires n’ont pas de structure interne, tu le savais ? Et elle secoue la tête, non, elle ne le savait pas. Alors il rit, d’un rire bas et doux qui pourrait facilement se transformer en sanglot, mais ça n’arrive jamais. Elle a l’impression qu’il n’a pas pleuré depuis longtemps, des années peut-être, qu’il s’est blindé contre la vérité des choses avec des théories et des explications et des moyens de se persuader qu’il ne s’est jamais rien passé. Il s’est autorisé à perdre la raison. Il est dès lors facile de réduire la réalité à néant, dit-il. Si une particule élémentaire n’a pas de structure interne ni d’enveloppe externe, alors qu’est-ce que c’est sinon le néant, et donc nous sommes faits de néant, de même que l’univers, et tout cela – d’une main il indique le plafond, puis elle, et enfin lui-même –, tout cela n’est rien. Un rêve, peut-être. Mais nous ne sommes pas le rêve, nous sommes le rêvé. Et il rit à nouveau et elle ne sait pas quoi dire. 
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Ensuite, je suis passée à mes messages et j’ai écrit à Meïr que la journée avait été épuisante (…) « Je suis en lambeaux », ai-je écrit, puis effacé. Inutile d’accabler cet homme, il est allergique aux outrances. J’ai attendu quelques instants. Il peut passer toute une journée sans consulter sa boîte de messages. Cette fois, la réponse est vite tombée : « Prends soin de toi. » 
Pas de doute : ce garçon se consume de nostalgie. 
 
Margaret Drabble (in Le petit manoir de Kellynch – Idylle dans le Somerset) 
& Laurent Gounelle (in L’homme qui voulait être heureux)
& Donal Ryan (in Par une mer basse et tranquille)
& David Grossman (in La vie joue avec moi)

jeudi 3 novembre 2022

Rhizomiques #122

- On dirait que tu ne piges pas. 
- Que je ne pige pas quoi ? 
- Après que je t’ai raconté qu’il t’aimait bien, tout ce que tu as fait disait : Ne t’approche pas. » 
Je fus à la fois piquée et estomaquée. Ne t’approche pas. J’ignore comment, mais mon moi extérieur avait dit « Ne t’approche pas », alors que mon moi intérieur hurlait « Viens ! »
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« J’adore les cartes topographiques », dit Terri en faisant à Robert un clin d’œil qui se voulait peut-être rassurant mais qu’il trouva lascif, et, gêné, il lui sourit en retour. Plus il passait de temps avec elle, plus il était convaincu qu’elle lui envoyait constamment des signaux qu’il ne savait pas interpréter. A moins qu’il soit incapable de lire dans les pensées des femmes en général. 
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Marianne sait ce qu’il éprouve pour elle, à vrai dire. Ça n’est pas parce qu’il est réservé devant ses amis que ce n’est pas sérieux entre eux – ça l’est vraiment. Parfois, il s’inquiète de ne pas avoir été assez clair à ce propos, et après avoir passé un jour ou deux à voir cette inquiétude grandir en lui, à se demander comment aborder le sujet, il finit par dire piteusement quelque chose comme : Tu sais que tu me plais vraiment, hein ? Et on entend presque une pointe d’agacement dans sa voix, ce qui la fait rire. 
 
Lily King  (in La pluie et le beau temps)
& Anjali Sachdeva (in Logging Lake)
& Sally Rooney (in Normal People)