jeudi 2 janvier 2020

Vivaces #16

La réalité romantique est le fer de l’expérience. C’est elle qui maintient sur ses rails le train de la connaissance. La connaissance traditionnelle n’est que la mémoire collective de l’itinéraire du train. (...) La lame de l’instant délimite, ici et maintenant, la totalité de ce qui est. La valeur cesse d’être le rejeton stérile de la structure. Elle précède toute structure, elle est la conscience pré-intellectuelle qui donne naissance à la structure.
(...)
Il s’agit de se vider l’esprit, d’acquérir l’âme « claire et flexible » d’un débutant. Il faut grimper à l’avant du train de la connaissance, et se lancer sur les rails de la réalité. Considérons, pour une fois, que le blocage psychologique n’est pas une épreuve redoutable, mais un état d’esprit à rechercher délibérément. (...) Il ne sert à rien de redouter le blocage – car, plus il dure, mieux vous percevez la réalité-Qualité, qui vous sort à chaque fois de ce mauvais pas. En fait, ce qui vous bloquait, c’était d’essayer de fuir la panne, en parcourant le train de la connaissance jusqu’au wagon de queue, alors que la solution est à l’avant du train. Il ne faut pas essayer de fuir le blocage. Il est l’annonciateur de la solution, la clé de toute compréhension de la Qualité.

(Robert Pirsig in Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes)

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J'étais dans le flou de moi-même, ce qui veut dire peut-être dans la vérité de l'inspiration.

(Agnès Varda)

vendredi 27 décembre 2019

Hybrides #24

Le vieux rêve de totale indépendance, qu'aucun humain ne caresse vraiment, flottait sur ses jours comme une fumée d'opium, comme du beau temps annonciateur de pluie. Hayduke savait bien, lorsqu'il regardait la réalité en face, que le solitaire parfait deviendrait fou. Quelque part dans les profondeurs de la solitude, au-delà de la vie sauvage et de la liberté, se cache le piège de la folie.

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La paix est la perspective que l’on trouve dans les constantes. Quand je vois les goélands à bec cerclé arracher la chair d’une carpe en décomposition, j’ai moins peur de la mort. Nous ne sommes ni plus ni moins que la vie qui nous entoure. L’isolement fait remonter mes peurs à la surface. La solitude m’apporte la sérénité.

Edward Abbey (Le gang de la clé à molette)
& Terry Tempest Williams (Refuge)

lundi 23 décembre 2019

Vivaces #15

Et à présent elle voit une forêt, qui s'étendait déjà sur ces montagnes bien avant que les humains quittent l'Afrique, céder la place à des résidences secondaires. Elle a une vision fulgurante : les arbres et les humains en guerre, se disputant la terre, l'eau, l'atmosphère. Et elle perçoit, plus fort que les feuilles frémissantes, quel camp va perdre en gagnant.

(Richard Powers in L'arbre-monde)

Le pessimisme me paraît offrir à l'optimisme sa meilleure chance, parce que c'est à la condition d'être très pessimiste que nous prendrons conscience des dangers qui nous menacent, que nous aurons le courage d'adopter les solutions nécessaires et que donc, peut-être, nous pourrons recommencer à avoir une certaine dose d'optimisme, disons modéré.
(Claude Lévi-Strauss)

Rien ne meurt avant d'avoir perdu toute possibilité d'être.
(Céline Curiol in Les vieux ne pleurent jamais)