Dire
que le temps sembla ralentir peut paraître précieux. Peut-être est-il
préférable de dire que je sentais davantage le temps. Je sentais chaque seconde
enfanter la suivante. Pas de rupture, pas de saut. Le raffut des oiseaux, les
craquements du bois, le vent.
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Ça n’avait rien de rationnel ; mais ce n’était pas vague non plus. J’étais
empli de lucidité, de la même façon que mon cerveau emplit mon crâne. La
lucidité s’emboîtait parfaitement dans mon for intérieur, comme s’il s’y
trouvait une cavité spécifiquement conçue pour l’accueillir. On pourrait la
résumer ainsi : la distinction entre le monde extérieur et mon existence
intérieure m’était brusquement révélée comme un faux pas. Ou mieux encore : je prenais conscience d’avoir
passé ma vie à mal interpréter cette distinction. Ce n’était pas une séparation.
Mais une inflexion, un raffinement. Une connexion. Le monde et moi formions non
pas deux choses séparées, mais une totalité.
Un
immense sentiment de joie m’a envahi. C’était sans précédent. Je n’avais jamais
rien ressenti de tel.
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Les
Grecs parlaient de l’enthousiasmos –
ce qui signifie littéralement : "Plein de théos". De Dieu, ou de la Qualité. (…) Le zèle vous envahit
lorsque vous êtes restés assez longtemps en paix, et que vous arrivez à voir, à
entendre, à sentir l’univers dans sa réalité – et non plus seulement vos
propres idées sur l’univers.
Alix
Ohlin (in Copies non conformes)
&
Adam Roberts (in La chose en soi)
& Robert Pirsig (in Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes)