mardi 20 août 2024

Contre-temps textuel


Reprendre le fil...
 
J'ai fait une pause de quelques jours.
Je me suis retranché de l'"actualité".

Il y a une mise en attente plus ancienne encore, qui s'est imposée en conséquence du 7 octobre 2023 et de toutes les journées génocidaires qui ont suivi.

Je ne me sentais pas de publier de jolies histoires de vacances en montagne.
J'espérais que l'horreur cesserait sans trop tarder.
Pouvoir retourner à une indécence comparative moins criante.
Il ne me restait plus qu'un billet de blog pour conclure la série entamée.

Mais il est trop tard pour l'espoir.
Cela fait trop longtemps qu'on attend que cesse le massacre des Palestiniens.
Quel soulagement pourront encore ressentir les survivants, dans quel état de désespérance et de deuil seront-ils ?

Durant ma pause estivale, au festival de Chalon, j'ai rencontré des danseurs, des comédiens, des circassiens. De ceux qu'on nomme "intermittents". 

Ils créent de quoi s'enthousiasmer malgré les génocides, le saccage de la planète, le fascisme - car sinon la défaite est totale.

(Par ailleurs ils votent, militent, contribuent très concrètement à améliorer notre société.)

Je crois qu'être heureux et créatif - en dépit d'un monde à pleurer - nous incombe, tant qu'on en a l'énergie. Sinon on dépérit. Je dépéris. Je ne suis plus bon à rien.
 
Aussi je finirai par publier demain le dernier billet de cette série d'en-dehors qui commence à dater. Qui date d'un temps d'avant. Justement, pour aller de l'avant.

Et ensuite on verra.

jeudi 11 juillet 2024

mardi 2 juillet 2024

Rhizomiques #193

Il y a quand même un abrutissement incroyable qui traverse tout le pays. Et qui a commencé à partir du moment où il est devenu possible d’avoir des chaînes de télévision qui ne diffusent qu’un seul point de vue.
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    Sur Internet, elle s’était mise à suivre en secret les sites Web de suprématistes blancs. Des illuminés, qui paraissaient croire sincèrement qu’un attribut aussi trivial que la couleur de leur peau a quelque chose de foncièrement précieux et d’ordonné par Dieu.
    Elinor trouvait cette découverte stupéfiante, et en tirait une certaine forme d’espoir : elle aussi pouvait se réjouir de quelque chose, tirer de la fierté de quelque chose.
    Salut ! Je suis une femme en surpoids quelconque et malheureuse dont le mari est amoureux d’une fille suffisamment jeune pour être notre fille et dont les enfants disparaissent en vitesse au coin de la rue s’ils me voient quelque part en dehors de la maison. Mais JE SUIS BLANCHE – et toc !
    Dans le cyberespace, cette (piteuse) déclaration était prise pour argent comptant. Plusieurs Aryens de sexe masculin avaient écrit à Elinor dans le but de se lier d’amitié avec elle.
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Voilà ce que c’est d’être pauvre : n’avoir aucun pouvoir. Et ceux qui ont le pouvoir apprennent aux pauvres blancs à haïr les pauvres noirs, pour qu’ils se battent entre eux et leur permettent de s’enrichir tranquillement.
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Quand on prend la grossièreté pour la force, la méchanceté pour la politique, on n’est, au fond, qu’un mufle, un crasseux, qui sera un vilain bourgeois bien vulgaire à trente ans. Nous y sommes.
 
Dennis Lehane (entretien dans Télérama du 03/04/24)
& Joyce Carol Oates (in La fille aux longues jambes)
& Dennis Lehane (entretien dans Télérama du 03/04/24)
& Paul Verlaine (extrtait d'une Lettre à Ernest Delahaye)

jeudi 20 juin 2024

Rhizomiques #192

L’erreur qui frappe les théories politiques et économiques de la liberté propres au libéralisme classique [c’est que] les individus y sont pensés comme pourvus d’un équipement de capacités permanentes et préconstituées dont l’opération, lorsqu’elles ne se heurtent pas aux limites que leur imposent des conditions extérieures, constituerait la liberté, une liberté qui résoudrait de façon quasi automatique les problèmes économiques et politiques. (…) On a supposé, en accord avec toute la théorie du libéralisme, que la seule chose qui permette de garantir la liberté de pensée et d’expression réside dans l’élimination des entraves extérieures ; repoussez les obstructions artificielles et la pensée opérera. Cette idée renferme toutes les erreurs de la psychologie individualiste. La pensée y est considérée comme une capacité ou une faculté innée ; la seule chose qu’elle réclame pour opérer relève de la chance extérieure. [Mais] le problème le plus important pour la liberté de pensée est celui de savoir si les conditions sociales font obstacle au développement du jugement et de la compréhension ou si elles l’encouragent effectivement.
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(…) ses parents eux-mêmes étaient restés si accolés à leur environnement social qu’ils n’en étaient jamais sortis, n’avaient pas su s’affranchir de leurs préjugés et s’étaient peu à peu rigidifiés pour finir par répandre des jugements derniers sans plus faire marcher leur esprit et encore moins leur sensibilité alors qu’on le savait, ils en avaient eu une. Le père s’était mis à donner de ces formulations toutes faites libres de droits parce que c’était sans doute assez commode et ne demandait pas d’effort intellectuel supplémentaire car des efforts il en faisait déjà beaucoup et c’était bien assez rappelait-il en rentrant éreinté le soir.
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C'est tellement triste, me dit son fils. Si elle ne regardait jamais la télévision, je sais qu'elle ne serait jamais devenue ainsi. Et je suis si furieux. Elle pourrait passer ses dernières années dans une paix et un confort relatifs, dans la gratitude de ce qu'elle a. Au lieu de cela, elle est dans un état de perpétuelle amertume et de rancœur contre tous ces ennemis qu'on lui désigne comme effrayants, prêts à se jeter sur elle.
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On peut être une chose et son contraire. On peut être innocente et coupable. C'est écrit en toutes lettres dans chacun des chapitres de la tragédie qu'est votre civilisation, Andrea, c'est toujours une majorité de coupables innocent.e.s qui participent à l'élaboration des structures qui les asservissent. 
 
John Dewey (cité par Bernard Quiriny in Le club des libéraux)
& Valérie Mréjen (in La jeune artiste)
& Sigrid Nunez (in Quel est donc ton tourment ?)
& Chris Bergeron (in Vandales)

mercredi 12 juin 2024

Vivaces #47 bis

Le monde est une huître.
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Ce monde n’est pas conclusion
Il existe un au-delà
Invisible, comme la musique
Mais réel, comme le son
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Si vous traversez l’enfer, surtout continuez d’avancer. 
 
Arthur Miller (in Mort d’un commis voyageur)
& Emily Dickinson
& Winston Churchill

mercredi 5 juin 2024

Vivaces #47

Je pourrais être enfermé dans une coquille de noix, et me regarder comme le roi d’un espace infini.
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Une noix,
Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix
Qu'est-ce qu'on y voit quand elle est fermée ?
On y voit mille soleils, tous à tes yeux bleus pareils
On y voit briller la mer et dans l'espace d'un éclair
Un voilier noir qui chavire.

(…)

Une noix,
Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix
Qu'est-ce qu'on y voit quand elle est ouverte ?
Quand elle est ouverte, on n'a pas le temps d'y voir,
On la croque et puis bonsoir
Les découvertes.
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Le monde, tel que nous l’imaginons, n’est pas plus gros qu’une noix.
 
William Shakespeare (in Hamlet)
Charles Trainet (Une noix)
William Hazlitt (probablement apocryphe, cité par Vila-Matas in Montevideo)

mercredi 29 mai 2024

Rhizomiques #191

Je bois du café tout le jour, je fais doucement descendre la boule de larmes séchées dans mon ventre, mon bassin, mes cuisses, mes genoux, tablant sur le fait que, ce soir, elles seront dans mes pieds, larmes séchées mais brûlantes, prêtes à nourrir la flamme de la danse, seule dont je puisse témoigner fièrement.
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Si je ne peux pas y danser, je ne serai pas de votre révolution. 
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- J’ai mal aux os, me suis-je plaint, pendant que je m’asseyais dans le ventre de la pirogue.
- Nos os ne sont pas à nous, à corrigé le passeur. Ils appartiennent aux parents qui sont déjà morts. Ils nous les remettent la nuit. Et les emportent la nuit d’après.
- Je n’aurais pas dû boire votre thé, ai-je avoué avec regret. Vous n’imaginez pas le rêve que j’ai fait cette nuit.
- Personne ne fait de rêves, mon ami. Les rêves sont comme des oiseaux, à la recherche du rêveur. 
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Il n'y a rien de l'autre côté du miroir, rien d'autre que les rêves d'Alice.
 
Marie Richeux (in Climats de France)
& Emma Goldman *
& Mia Couto (in L’accouchement posthume)
& Thomas Arfeuille


* La citation est apocryphe. Librement synthétisée voire extrapolée des véritables mots d'Emma Goldman (in Épopée d'une anarchiste) :

« Dans les bals, j'étais une des plus gaies et des plus infatigables. Un soir, un cousin de Sasha me prit à part. Le visage aussi grave que s'il avait dû m'annoncer la mort d'un camarade, il murmura que la danse ne convenait pas aux agitateurs, et surtout pas quand elle était pratiquée avec une telle impudence... Ma frivolité ne pouvait que nuire à la cause... Je lui répondis de s'occuper de ses affaires... Selon moi, une cause qui défendait un si bel idéal, qui luttait pour l'anarchie, la libération et la liberté, contre les idées reçues et les préjugés, une telle cause ne pouvait exiger qu'on renonce à la vie et à la joie. »

(source : Anarlivres)