dimanche 24 mars 2019

J+4

Avis

L’air de se la couler douce, mais non, pas croire.
Le Dit de Binh saison printemps-hiver sera sous peu disponible en version papier.
Pas cher, toujours pas illustré.
(Mais mieux vaut un livre qu’un écran, non ?)

Et en attendant – ou pas – quelque chose arrive.

samedi 23 mars 2019

J+3

Le mouvement perpétuel est en place.
On peut reprendre depuis le début ? Attendez !
(Mais oui, si vous voulez, la spirale du ressort est aussi une ellipse.)
Attendez, ça va rétrocéder pour mieux repartir...

vendredi 22 mars 2019

J+2

Il est sorti de la capsule.
Le soleil apparemment n’a pas bougé.
Le contraire du sentiment d’apesanteur est encore un rapport d’étrangeté au sol.

°°°

mercredi 20 mars 2019

20 mars


                Mais à quoi bon s’appeler, on a tout notre temps. Quelqu’un s’affaire dans la cuisine, il finira bien par en sortir, quelqu’un d’autre examine le dos des livres dans la bibliothèque du salon. On se fiche bien de savoir comment ils s’appellent, une troisième personne passe dans la rue, seule ou accompagnée. Il y a un certain nombre de couples qui font sens, d’autres plus gratuits, et les nombres impairs, tout à fait en mesure de s’apparier avec les nombres pairs, ne déparent pas le tableau. Binh-Dû ne ressent nul scrupule à souhaiter à tout-va de joyeux anniversaires, parfois il tombe juste, sinon c'est le calendrier qui tombe faux.
                Elle retourne à son bureau après sa pause-déjeuner. Il y a du soleil aujourd’hui mais l’air est froid pour la saison. Ils ont pris une table à l’intérieur, c’était jour de couscous, deux merguez chacun. Son collègue achète une recharge pour cigarette électronique, elle ne l’attend pas, elle traverse les voies du tramway en regardant à gauche puis à droite. Toujours un temps d'hésitation, est-ce comme avec les voitures, est-ce pareil à Londres ? Elle a lu la veille qu’un robot a tué une femme qui marchait hors des passages piétons, ce qui semblerait constituer une circonstance atténuante. Il est difficile de savoir à première vue qui tient vraiment à la vie.
                Ou qui voudrait simplement ne pas souffrir. Il y a de l’énervement face à la tache sur le chemisier de soie, et cette fois le coupable est tout trouvé : c’est ce Binh-Dû dénué de scrupules, qui n’a pas choisi le détachant adéquat dans les rayons du supermarché. Je pensais que cela suffirait, se défend-il piteusement. Son amie est à deux doigts de prendre ses cliques et ses claques, elle s’est enfermée dans leur chambre, que fait-elle ? Il y a doute sur la consistance. C’est peut-être du gras de baleine. À qui en tenir rigueur, si tel est l’objectif ? À l’espèce humaine tout entière, massacreuse et néanmoins adoratrice du rare et du précieux.
                Poudre aux yeux, oui ! Quand on te demande pourquoi tu ne veux pas, n’objecte qu’une raison à la fois ou tu te feras coincer. Ne dis pas que tu préfères ne t’en remettre qu’à tes intuitions et que de toute façon tu n’es pas disponible pour prendre rendez-vous. On ne te croira pas. Toi-même tu t’apercevras que tu mens. Qui que tu sois, Binh-Dû par-ci, Binh-Dû par-là. Aux origines il y avait un jardin, et dans ce jardin roucoulaient des pigeons ramiers. Tu ne les appelais jamais tourterelles, et pourtant c’en étaient. Un jour, tu as mangé de la palombe farcie. Tout ce temps passé à écouter n’a pas été du temps perdu.
                On pourrait même parler de bonheur. Soyons fous ! Sylvelle et Jumien ont réintégré leur intérieur, à rebours, veillant à ne pas se heurter. Ceux-là, aucun doute, ils sont faits l’un pour l’autre, Binh-Dû les considère avec attendrissement. Au bout de la toux est un chant. Et à la fin de l’ellipse ? Imaginons un embranchement, une voie de désengagement hors saison. D’un coup, le silence et l’obscurité. On avance mais on ne saurait en jurer, les biomécanismes semblent ralentis. Il n’y a plus de régularité qui tienne, du moins celle à laquelle on s’était habitué. Plus de repères fatigués. Chut alors... Mais à la fin, si ce n’est soi, qui - pour le dire ?

mardi 19 mars 2019

19 mars


                Tu as le choix, comme face au miroir. Même esseulé sur la planète Mars, tu aurais le choix. Entre le reproche et la réjouissance. Sur le lit de Binh-Dû, des reliefs attendent qu’on débarrasse. Ce sont des coquilles d’œufs, des noyaux d’olives, des miettes dans une assiette ; quatre bananes en grappe, deux emballages biodégradables, un pull-over détricoté. Ce sont les cratères consécutifs à des chutes de météorite, des fragments d’agitation irréelle. Il y a même deux oreillers aplatis, c’est dire ! Si quelqu’un entrait, il ne verrait pas Binh-Dû assis en tailleur.
                Et pourtant il est là. Il se rapproche de la sortie. Heureusement qu’il sourit, car personne ne l’entendrait crier dans le vacarme ambiant. Il va être temps de se détacher des drames intérieurs – ne t’inquiète pas, tu pourras toujours courir au pied des arbres attraper au vol les oisillons tombant du nid. Mais surtout pas de culpabilité, jamais plus, pour ce que tu n’aurais pu mieux décider tel que tu étais. Une femme se déshabille derrière l’ombre chinoise d’un pin parasol. Est-elle... nue ? Réjouis-toi, et elle avec toi. Vos prénoms sont sur le bout de vos langues.