lundi 23 décembre 2019

Vivaces #15

Et à présent elle voit une forêt, qui s'étendait déjà sur ces montagnes bien avant que les humains quittent l'Afrique, céder la place à des résidences secondaires. Elle a une vision fulgurante : les arbres et les humains en guerre, se disputant la terre, l'eau, l'atmosphère. Et elle perçoit, plus fort que les feuilles frémissantes, quel camp va perdre en gagnant.

(Richard Powers in L'arbre-monde)

Le pessimisme me paraît offrir à l'optimisme sa meilleure chance, parce que c'est à la condition d'être très pessimiste que nous prendrons conscience des dangers qui nous menacent, que nous aurons le courage d'adopter les solutions nécessaires et que donc, peut-être, nous pourrons recommencer à avoir une certaine dose d'optimisme, disons modéré.
(Claude Lévi-Strauss)

Rien ne meurt avant d'avoir perdu toute possibilité d'être.
(Céline Curiol in Les vieux ne pleurent jamais)


samedi 21 décembre 2019

solstice

Voici le temps des fêtes et de la rentabilisation
des prix littéraires.
Misère.
Binh-Dû va relâcher son rythme quotidien
mais le blog reste ouvert.
On y trouvera des propositions de lectures d’hiver
qui sentiront moins le sapin.
On se dirigera sans hâte vers 2020.
Voir ci-contre : et le fil suspendu du jour le jour
reprendra un peu plus loin.

vendredi 20 décembre 2019

20 mars


           Une fois de plus tu vas tourner au coin d’une rue. Marre que ça aveugle, rideau le temps de reposer la rétine. On a eu assez chaud. Winter is coming, tu parles, l’hiver c’était au bon vieux temps de la guerre froide, combinaisons peau de lapin, moufles et chapka.
           Une fois de plus tu as tout dit, tu as fait le tour, même en réduisant le paramètre, même en rétrécissant les lunes. Tu reviendras. Tu bâilles déjà. Tu fais défiler ta playlist, David Bowie est aussi vivant que toujours. Et si c’était le printemps qui s’annonçait ?
           Je jure, le cerisier amorce ses toutes premières fleurs. Le ciel se charge de poussières d’épandage, quelque part un tractoriste tousse et pleure, non par mauvaise conscience (Tu veux mon poing dans ta gueule ?) mais à cause du rhume des foins. Hum…
           Cela n’empêchera pas les patates de germer. Lâche l’affaire, on te dit. Il y a de la poussière à aspirer. De l’air, de la terre, de l’eau si tu as le courage – les tommettes étaient d’un rouge vermillon à l’origine. Au coin de la rue c’est chez toi. Hop, il n’y a plus personne.

jeudi 19 décembre 2019

19 mars

L’appel d’air te mène à la guerre. Où frapper, soumettre et pardonner.

Petit salopiaud, tu es bien comme les autres, dans tes oreilles
le son assourdi de tes cavernes mentales,
as-tu oublié tes bouchons ?

Dehors la stridence des foreuses à béton fait écho
à la panique des chiroptères.

Malheur à qui voudrait se distinguer. Malheur aux autres invisibles,
 qui auront faim. Le premier bouffé précédera le premier zombie,
 on y regardera à deux fois avant de partir au turbin.

Tu écrases ton gobelet avant de le jeter.

Tu te couches sur le côté tel un empereur décadent,
tu passes une langue infâme sur des lèvres grasses,
tout cela t’appartient, tout cela est à toi.

Le feu consumera en priorité celles qui se tairont, ça leur apprendra.

Mais toi tu n’oublieras pas le vieux micocoulier du jardin,
les pies qui sautillaient, l’absence de souffrance.
Un brin d’herbe entre deux doigts.

mercredi 18 décembre 2019

18 mars


Tu pensais n’avoir qu’à te passer la main dans les cheveux devant la glace, mais quelque chose ne va toujours pas, jusqu’où fermer les boutons, combien de centimètres de col à laisser dépasser, et les manches, ne te font-elles pas des mains de pingouin, et n’est-ce pas une tache, là, sur le revers ? Des heures à se préparer, en profiter pour ranger un peu cette chambre, trier, jeter par la fenêtre dans la benne à gravats que les ouvriers ont déposée dans le jardin. Tes souvenirs sont des feuilles mortes, tu voudrais arriver sans te sentir au bord de l’effondrement psychique, Oh, merci, merci, désolé, mais non, je ne crois pas, vous croyez ? Attendez, ne vous inquiétez pas pour moi, ça va, ça va aller, ça va très bien, j’ai juste besoin d’un verre d’eau, de m’asseoir, de pleurer, de dormir… Elle demandera si cela ne te gêne pas d’être vouvoyé, tu t’étonneras qu’elle marche si vite malgré ses talons. Mais vouvoie-moi ! répondras-tu comme si tu l’en priais. Marie-Suzanne ne se sera pas départie de son sourire, toujours empressée à rendre service et à voir le bon côté des choses (d’ailleurs c’est elle qui observera qu’un des boutons du bas de ta chemise est en décalage par rapport à sa boutonnière), elle émettra un petit rire. Tu t’excuseras et tu chercheras de toute urgence un endroit où t’isoler.

mardi 17 décembre 2019

17 mars


La grêle fouette son bienfaisant inconfort.
C’est bientôt fini.
Cela va commencer, attention !
Les oiseaux s’indiffèrent.
Et ce chat, peinard, entre les flaques, passé l’âge d’être craintif.
Ton manteau tu n’en as pas besoin.

Les canalisations apportent à domicile la mort, plus rarement l’amour.
Mais est-ce une raison pour flipper ?
Avec tes os on pourra reconstituer un squelette de loup.
À jamais figé dans le guet.
Vois comme elle t’attendait.
Sa silhouette encore imprécise.