lundi 10 août 2020

Rhizomiques #50

    Pour notre premier rendez-vous, il m’invita chez le limonadier de la ville. Il m’observa attentivement manger ma glace, pour s’assurer que j’étais satisfaite. Ma satisfaction lui importait, ce qui était déjà quelque chose. Tous les hommes ne sont pas comme ça.
    Le week-end suivant, il m’emmena faire une promenade au bord du lac, pour regarder les canards.
    Le troisième week-end, on se rendit à une petite foire du comté, et il m’offrit une peinture de tournesols que j’avais admirée – « Pour le mur de votre chambre », me dit-il.
    Je le fais passer pour plus rasoir qu’il n’était.
    Encore que… Non.
   C’était un homme bien. Je devais lui reconnaître ça. (Mais attention : quand une femme dépeint son soupirant comme un « homme bien », tu peux parier qu’elle n’est pas amoureuse.)
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    Je l’ai utilisé. Je lui ai prêté une voix qu’il ne possédait pas réellement, je me suis laissée aller à croire que c’était lui, et cette illusion m’a attirée. (…) Même le rire était davantage le mien que le sien, puisque si je riais il riait aussi.
    Et qu’aime-t-il en moi, sinon ma beauté sur laquelle il s’extasie comme si tous les autres traits que je peux posséder ne comptaient pas ? Pourtant il me faisait l’amour au lien de simplement épancher son désir, et c’est un brave homme.
    Mais elle veut plus qu’un brave homme. Elle veut un homme plus complet.
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Il trouvait en moi quelque chose, m’a-t-il avoué, qu’il trouvait rarement chez les autres. J’ai eu l’intelligence de ne pas lui demander quoi, et je me suis contentée de le définir secrètement comme étant « ce quelque chose qu’il voit en moi ».

Elizabeth Gilbert (in Au bonheur des filles)
& Alan Duff (in Un père pour mes rêves)
& Elliot Perlman (in Ambiguïtés)