jeudi 13 août 2020

Rhizomiques #52

Je n’avais aucune idée à l’époque de ce que je croyais savoir. De ce qui était fini, de quoi la mort était vraiment faite. Je savais qu’il n’y aurait aucun retour en arrière possible, mais je le savais en pensant au changement permanent comme à une mesure temporaire. (…) Même encore maintenant – lorsque je me retrouve à la porte de chez moi et que je vois en esprit l’exacte position de mes clefs sur le comptoir de la cuisine, prêtes à être saisies – je ne parviens pas tout à fait à accepter que ces clefs soient inaccessibles, que dans l’instant où j’ai claqué la porte elles soient devenues irréparablement, irrécupérablement lointaines, de l’autre côté, dans ce-qui-aurait-pu-être, ce-qui-aurait-dû-être ; et ce n’est qu’au bout d’un certain temps et avec beaucoup de réticence que j’appelle le serrurier, reconnaissant par là-même que je ne peux pas ordonner aux clefs – bien que je les voie avec tant de précision que j’en perçois le froid lisse, la tige dentée – de se trouver dans ma poche ; que mon erreur ne peut être défaite.
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L’invalide demeure une invalide. Elle meurt triomphalement jeune. Lorsqu’une infirmière souhaite s’apitoyer sur son sort, Alice [James] note dans son journal que le destin – n’importe quel destin – parce qu’il est destin – est fascinant : la pitié est donc inutile. Nous sommes nés non pour souffrir mais pour négocier avec la souffrance, pour choisir ou inventer des formes qui la contiennent.
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C’est ma capacité à aimer qui constitue mon refuge. Si je peux apprendre à aimer la mort, alors je peux commencer à trouver refuge dans le changement.
 
Claire Messud (in La vie après)
& Joyce Carol Oates (in La foi d'un écrivain)
& Terry Tempest Williams (in Refuge)