C’est par Yesenia que j’ai su que beaucoup des cadres de la Banque centrale européenne à Francfort faisaient appel à ses services hautement spécialisés et pour cela considérablement plus chers, tellement spécialisés que sa chambre à elle se trouvait tout en haut de l’immeuble, preuve du statut que lui conféraient les pratiques sadomasochistes qu’elle effectuait en virtuose et qui étaient les plus recherchées par les cadres supérieurs de la banque, celle pour laquelle la demande était la plus forte, appelée "massage prostatique", consistait à travailler avec un vibromasseur l’anus du client jusqu’à l’éjaculation, vibromasseurs de taille assez importante, selon Yesenia, et ils considéraient cette pratique comme des plus relaxantes, et après avoir payé au moins deux cents euros, ils retournaient à leur bureau manger un sandwich et à leur monde de la haute finance, ce qui m’a poussé à m’interroger sur la relation entre le "massage prostatique" et l’économie européenne, jusqu’à quel point une mauvaise décision affectant gravement les finances d’un pays comme la Grèce ou l’Espagne dépendait de ce que le responsable chargé de la prendre n’avait pas eu le temps de recevoir son "massage prostatique" à midi en raison d’une charge de travail excessive ou d’une réunion programmée à la même heure, et les femmes telles que Yesenia avaient entre leurs mains non seulement un vibromasseur mais un instrument-clé pour la politique financière, qui dépendait en grande partie de la dextérité avec laquelle elles pratiquaient le "massage prostatique", et ce savoir-faire était ignoré de la majorité des citoyens, mais non des autorités allemandes, qui si elles avaient légalisé la prostitution, n’avaient pas encore mis en place le régime fiscal correspondant à cette activité, ce qui faisait que les filles comme Yesenia ne payaient pas d’impôts et pouvaient disposer de l’intégrité de leur revenu, peut-être en reconnaissance de ce que sans leur labeur de "massage prostatique", l’économie européenne pourrait partir en vrille…
Horacio Castellanos Moya (in Moronga)