Sylvelle choisit de ne pas se sentir vexée. Elle se rend
dans la cuisine mettre de l’eau à chauffer. Elle se tient face au plan de
travail pendant que les cliquetis de la résistance électrique s’amplifient.
Comme si c’était une fin de journée normale, elle se retournerait et elle
verrait Jumien. D’ailleurs, où étais-tu ? demande-t-elle. Je ne suis pas resté dehors longtemps, je voulais juste prendre l'air. Mais je ne sais pas comment tu
fais, continue-t-il, c’est pénible, tous ces hommes qui te matent les seins.
Pourtant tu vois comment je me suis habillé, je n’ai pas tenté la jupe courte,
les talons et le décolleté ! Au début j’ai cru qu’ils devinaient que je
n’étais pas vraiment une femme, mais bien sûr c’était tout le contraire. Et des
regards salaces en plus...
Ne me dis pas que tu ne t’en étais pas rendu compte quand
nous sortions ensemble ? Peut-être mais c’était plus discret. Du genre S’il n’y avait pas ton mec je te violerais
volontiers mais là, respect ? Non, mais j’avais le sentiment que cela
ne te dérangeait pas trop, alors que moi j’ai trouvé ça vraiment désagréable.
« Ça ne me dérangeait pas trop » ? s’indigne-t-elle. En fait,
tu me prends pour une pute. Ne déforme pas tout, j’étais seulement en train de
te raconter que j’en ai eu vite assez d’être déshabillée du regard par tous ces
hommes, en plus j’avais mal aux pieds, je ne savais pas où aller, finalement je
suis entrée dans une boutique de fringues. Toi ? s’exclame Sylvelle. Oui,
bon, c’était un refuge. Ensuite je suis revenue.