lundi 24 juin 2019

24 décembre


                « T’es qui là ! » gueule un adolescent trop grand aux oreilles de Binh-Dû, alors que celui-ci traverse la cité. Mais comment ça, je suis qui je suis, la question se poserait plutôt pour toi qui t’acharne à chasser la mue de ta voix. Sursaute Binh-Dû, avant de comprendre que l’adolescent ne s’intéresse pas du tout à lui mais à un autre adolescent qui passe justement la tête par l’entrebâillure d’une fenêtre du quinzième étage de la tour, de l’autre côté du parc à chiens et à enfants, et qui répond  sans aucune gêne à son surnom d’alcool mexicain.
                Plus loin, un père Noël noir à bandes réfléchissantes consulte son smartphone, appuyé sur un petit chariot d’éboueur. Mais enfin où sommes-nous, quand, vers quelles prochaines absurdités ? Au poignet de Binh-Dû, un cadeau tout neuf enregistre le nombre de pas de 80 centimètres d’amplitude et calcule des équivalences calorifiques. Il conviendrait mieux à un vieux barbu en surcharge pondérale, encore apte à lire un mode d’emploi inscrit en minuscules caractères, avant qu’il ne sorte parcourir le monde (ou n’aille se pendre à un balcon).

dimanche 23 juin 2019

23 décembre


           Qui demande, qui appelle ? Qui ne répond pas ?
           Qui accueille, les bras ouverts ?
           La différence tient-elle au volume de vêtements qui pèsent sur la peau ?
           Ou nous laissons-nous agir par le sillon des conventions, comme un soc aveugle, loyal, dans l’illusion d’inventer la direction de la prochaine moisson ? Es-tu le bœuf, la charrue, la main à charrue ? Es-tu le tracteur qui se conduit les yeux fermés ? Qui nourris-tu ? De quoi ?
               
           Sortie d’un isolement volontaire et d’un silence à rendre sage, une femme solaire rayonne sur la plage. Devant elle, l’océan. Elle pourrait demeurer en suspension d'éternité puisque le temps s’est arrêté. Elle pourrait choisir l’une des deux directions évidentes qui l’attendent.
           Car il n'est plus besoin de rechercher la trace d’un pied dans le sable.
           L’air inspiré est une danse.
           Tout geste hors de soi est une réponse.

[merci à Arthur Rimbaud – « Mauvais sang »]

samedi 22 juin 2019

22 décembre


Percevez-vous la différence si c’est le jour qui s’allonge d’une fraction de seconde ou si c’est la nuit ? Le cœur net accélère par les travées du centre commercial où les gens piétinent, s’amassent, abrutis déjà comme dans la torpeur consécutive à l’absorption d’une dinde farcie. Oh, qu’il semble loin le temps où l’on sautait au-dessus des feux de joie ! Le temps où l’on dansera la nuit sous la lune pleine, sans avoir froid. Dans l'atelier réaffecté, Binh-Dû se rapproche des hautes fenêtres avec son amie, afin de mieux la voir – cette pleine lune – qui s’élève derrière les branches nues d’un arbre, en une courbe douce. Temps d’inspiration sélène qui succède au travail à la table, position debout ainsi que les eaux aspirent au ciel. Dans la journée un peu de pluie est tombée. Un homme aussi, renversé par un scooter, corps latéral sur la chaussée, on ne sait jamais ce qui succèdera à l’instant présent. Plus tard, venus d'un pays boréal, un fils en voyage avec son père testera les connaissances de ce dernier en numérotation française, « dizneuve » ça passe, vingt c'est plus problématique. Ils riront tous deux, ces Français, quels vicieux ! « Vin, vaing’, ving-t’ » ? Comme serait incongru, peut-être, d’énoncer simplement la beauté d’un visage qui n’a rien demandé.

vendredi 21 juin 2019

21 décembre


         D’un solstice l’autre, verra-t-on la différence ?
         Une amie organisée lui a offert un agenda, lui qui se débrouillait jusqu’alors avec des dos d’enveloppes.
         Il s’aperçoit que sa vue a nettement baissé. Il est toujours ébahi par l’affection qu’on lui témoigne, ces gestes qui font se retourner pour vérifier qu’il n’y a personne derrière soi de plus vraisemblable pour en être le destinataire. Eh bien non… Merci donc !
         Derrière lui, il n'y a qu'un vieux monsieur un peu chinois qui attend de pouvoir déposer sur la table du restaurant une fourchette et un couteau. Leurs regards se croisent, les sangs se reconnaissent. Pourquoi ce vieil homme n’en déduit-il pas qu’une paire de baguettes serait mieux accueillie ? Parce qu’il fait froid dehors et que cela se répercute à l’intérieur.
         Voici une différence sensible. Et une seconde : la femme qui a traversé la chaussée pour ne pas le croiser sur le trottoir alors qu’il téléphonait, juste avant d’atteindre le restaurant avec son amie, l’a probablement injurié lui, et non pas quelqu’un qui se serait tenu caché dans son dos, et non pas seulement d’impersonnelles et invisibles ondes électromagnétiques.
         Susciter la répulsion peut se réduire à un jeu de polarités, si l’on est confiant. Mais si l’on est confiant, autant exercer un charme magnétique en posant le regard sur tout visage qui se présente, tel un peintre.
         La lumière du jour est passée plus vite qu’à aucun autre moment de l’année, peu importe si l’on ne voit pas le ciel.
         Le tableau préexiste, l’amour aussi peut-être.

mercredi 19 juin 2019

Interlude #2

"Je reste debout devant ce qui me détruit, ce n'était que ma peur... des ombres, des fantômes...
Je suis debout, je suis vivante."



mardi 11 juin 2019

Vers le solstice

Binh-Dû songe à l'avenir.
Ce sera le 21 juin prochain (au plus tard).