De
la tête, on distingue la gorge spacieuse et vibrante, et sur les côtés les yeux
globuleux et sans paupières. La gorge est une surface de sac flasque qui
s’étend de la pointe du menton, dure et toute écailleuse comme celle d’un
caïman, au ventre blanc qui présente lui aussi, là où il presse la vitre, un
piquetis granuleux, peut-être adhésif.
Lorsqu’un
moucheron passe près de la gueule du gecko, sa langue jaillit et l'engloutit,
foudroyante, ductile, préhensible, dénuée de forme propre et capable de prendre
toute forme. (…)
La
segmentation en anneaux de ses pattes et de sa queue, le piquetis de menues
plaques granuleuses sur sa tête et son ventre donnent au gecko l’apparence d’un
engin mécanique ; une machine hautement élaborée, étudiée dans chacun de
ses microscopiques détails, au point qu’on se prend à se demander si pareille
perfection n’est pas du gaspillage, vu les opérations limitées qu’elle
accomplit. Ou peut-être est-ce là son secret : satisfait d’être, il réduit
son action au minimum ? Est-ce là sa leçon, à l’opposé de la morale que
Palomar, dans sa jeunesse, avait voulu faire sienne : toujours chercher à
faire quelque chose qui aille un peu au-delà de ses moyens ?
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La
baleine à bosse se libère de l’eau, se tord à la verticale, deux nageoires pectorales
bleu-gris et un museau souriant. Des balanes et des nœuds de peau galeuse. Elle
tourne et elle s’étire comme si elle pouvait continuer à s’élever dans le ciel
sans jamais s’arrêter. Mais sous son corps l’eau se change en bruine et son
évasion s’achève au moment où elle frappe l’eau en projetant un immense drap
d’écume.
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Quand
Emily Dickinson écrit : « L’espoir est cette chose avec des ailes qui
se perche dans l’âme », elle nous rappelle, comme le font les oiseaux, la
force pragmatique et libératoire de la foi.
Italo Calvino (in Monsieur Palomar)
& Kawai
Strong Washburn (in Au temps des requins et des sauveurs)
& Terry Tempest Williams (in Refuge)