Mais, d’autre part, si nous ne pouvons, dans l’état
actuel de nos connaissances, affirmer que les araignées essaient délibérément
de nous dire quelque chose, nous pouvons toutefois sans hésiter penser qu’il y
a quelque chose qui vaut d’être entendu.
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Tu sais comment j’ai appris à parler avec les fleuves ?
C’était
à l’adolescence, dit-elle. Tous les matins, elle observait une araignée entrer
et sortir d’un trou dans la cour de sa maison. Entre ses pattes, l’animal
transportait de la rosée au tréfonds de la terre. Elle travaillait comme un
mineur à rebours : elle puisait dans le ciel pour accumuler dans le
sous-sol. Cette occupation durait depuis si longtemps qu’au fond de son terrier
était né un grand lac souterrain.
Dabondi
voulut aider l’animal dans ses excavations humides. Un jour, par une aube sans
rosée, elle apporta une coupelle d’eau qu’elle laissa à l’entrée du terrier.
Mais l’araignée refusa cette gentillesse, souriant : Ce que je fais n’est
pas un travail, ce n’est qu’une conversation. Et elle ajouta : Je vois
combien tu souffres, il faut beaucoup de solitude pour remarquer les créatures
aussi petites que moi. En signe de gratitude, l’animal lui apprit la langue de
l’eau.
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L'eau n'est pas forcément offensive, elle est enfermée. On la dit véhémente et tempétueuse, mais on ne dit jamais la violence des rives, leurs contraintes, l'autorité des canaux, des dérivations, des ponts, des digues, des écluses, des chenaux, des béals.
Vinciane Despret (in Autobiographie
d’un poulpe et autres récits d’anticipation)
& Mia
Couto (in Les sables de l’empereur)
& Emmanuelle Pagano (in Ligne et fils)