Elle aimait entrer dans les bois serrés, mais aussi en sortir, pour retrouver le vent. Le vent donnait toujours à Nella la sensation que la nature était vivante. Il lui plaisait que cette vivacité soit en même temps invisible et fluide, elle n'en était jamais épuisée.
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Comment pouvais-je imaginer que je passerais une vie avec le même amour, moi qui m’enflammais à chaque regard posé sur mes yeux, et ne pouvais vivre sans tomber amoureuse, me laissant prendre au moindre appel et me déprenant à la première désillusion. Je pensais que l’on ne pouvait que dans la succession et l’accumulation réunir tout ce que l’on éprouvait seulement en parcelles. À dix-huit ans, l’idée que l’on puisse se retrouver à quarante avec le même homme me faisait horreur, m’aurait angoissée, je ne comprenais pas… Je n’imaginais surtout pas qu’il soit possible de rester neuve dans la durée, ni de retomber amoureuse du même être par une suite de pulsions répétées comme une guirlande lumineuse faite de l’éclairage d’une succession de feux dont le parcours donnerait une lumière vibrante et continue.
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La lumière, a-t-il expliqué, semble avancer de façon fluide, mais la mécanique quantique prétend que celle-ci se déplace par à-coups. Les ondes combinent déplacement fluide et par à-coups. Un véritable déplacement fluide est-il possible sur notre planète ? Peut-on faire des maths avec fluidité ? Faire l’amour avec fluidité ? La fluidité est belle, mais dépourvue de force. L’énergie provient de la saccade, de la capacité à changer rapidement. L’immortalité est dans la fluidité.
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Nous avons fait l’amour. Comme ce mot a l’air banal – trivial, usé, tout trait distinctif quasiment effacé par l’usage – mais comment décrire une telle action en acte ? Cette création ? Cette union magique ? Je pourrais dire que nous sommes devenus deux silhouettes prises dans une danse hypnotique sous le talisman chaloupé de la lune, d’abord lente, si lente… deux plumes appariées flottant dans la substance claire d’un ciel liquide… puis qui accélèrent, de plus en plus, pour finalement n’être plus que photons de lumière pure. (…)
Ou bien je pourrais dresser la liste des impressions, des images encore brillantes, illuminées à jamais par la cambrure blanche de ces premières caresses, le premier regard après qu’ayant écarté la chemise de laine, j’ai vu qu’elle ne portait pas de soutien-gorge ; la timidité de ses hanches se soulevant imperceptiblement lorsque j’ai fait glisser la rude toile de jean (…).
Mais il me semble que la meilleure façon pour moi de communiquer la beauté de ces moments consiste à répéter, tout simplement, que nous avons fait l’amour. Et consommé ainsi tout un mois de regards furtifs, de sourires prudents, de frôlements accidentels de nos corps, trop flagrants ou trop secrets pour n’être que des accidents, et toutes les autres petites vignettes incomplètes du désir… et peut-être par-dessus tout, consommé la connaissance partagée de ce désir, et de ce désir retrouvé, et du progrès irrépressible de ce désir… dans une déflagration interne parfaitement silencieuse tandis que tout mon corps tendu explosait à l’intérieur du sien comme un fluide électrique.
Ou bien je pourrais dresser la liste des impressions, des images encore brillantes, illuminées à jamais par la cambrure blanche de ces premières caresses, le premier regard après qu’ayant écarté la chemise de laine, j’ai vu qu’elle ne portait pas de soutien-gorge ; la timidité de ses hanches se soulevant imperceptiblement lorsque j’ai fait glisser la rude toile de jean (…).
Mais il me semble que la meilleure façon pour moi de communiquer la beauté de ces moments consiste à répéter, tout simplement, que nous avons fait l’amour. Et consommé ainsi tout un mois de regards furtifs, de sourires prudents, de frôlements accidentels de nos corps, trop flagrants ou trop secrets pour n’être que des accidents, et toutes les autres petites vignettes incomplètes du désir… et peut-être par-dessus tout, consommé la connaissance partagée de ce désir, et de ce désir retrouvé, et du progrès irrépressible de ce désir… dans une déflagration interne parfaitement silencieuse tandis que tout mon corps tendu explosait à l’intérieur du sien comme un fluide électrique.
Emmanuelle Salasc (in Ni de lait ni de laine)
& Danièle Rezvani citée par Serge (in Beauté, j’écris ton nom)
& Elif Batuman (in L’idiote)
& Ken Kesey (in Et quelquefois j'ai comme une grande idée)
& Danièle Rezvani citée par Serge (in Beauté, j’écris ton nom)
& Elif Batuman (in L’idiote)
& Ken Kesey (in Et quelquefois j'ai comme une grande idée)