Elle me tend une petite pomme brune pour que je la croque. Lisa est vêtue de pourpre, une couleur qui, sur elle, flamboie presque. C’est son sweater qui est pourpre. Son écharpe est bleu lavande. En l’observant, là, debout devant les citrouilles, je me sens submergé par la richesse de ton de ma vie même, par son intensité. En ces moments-là, je suis tenté de prendre des photos pour stocker tout le bonheur que je ressens, mais je suis trop sage pour le faire. Je sais que l’important, c’est l’existence même de Lena, c’est la couleur en tant que symbole, c’est la saveur des pommes dures et l’exacte qualité du soleil en ce dernier jour chaud d’octobre. Une photographie aplatirait la scène en en faisant un moment heureux, alors que ce que je ressens est une pure extase, ainsi que la certitude fugace de mériter ma place sur Terre et l’air que j’y respire.
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Il n’aimait pas trop se défoncer : cela désentravait trop son esprit, le clivait de son entourage, voire de lui-même. Mais son désir fugace – son désir d’éprouver du désir – plaidait en faveur de l’expérience.
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Elle tenait un petit plateau plein de mandarines qu’elle me tendait dans la buée d’un sourire. Pris de trouble je m’entendis prononcer : « Que vous êtes belle avec ces mandarines ». Je retranscris aujourd’hui avec un sourire amusé ces premiers mots entre nous et je me dis cependant que la pauvreté inouïe de cette phrase réfléchissait la plus somptueuse image qu’un peintre pouvait recevoir.
Barbara Kingsolver (in Une île sous le vent)
& Jennifer Egan (in La maison en pain d’épices)
& Serge Rezvani (in Le testament amoureux)
Barbara Kingsolver (in Une île sous le vent)
& Jennifer Egan (in La maison en pain d’épices)
& Serge Rezvani (in Le testament amoureux)