jeudi 9 janvier 2025

chasser la poussière

29 mai

    J’écris à des amies, c’est une chose que je fais, c’est ce qui se passe. Des courriels de rien, de peu ou de beaucoup. J’écris plus qu’on ne m’écrit mais c’est normal, c’est moi l’écrivain. C’est moi qui n’ai rien d’autre à faire, ou alors si, écrire pour moi. La distinction n’est pas si claire, lorsque j’écris à des amies c’est aussi pour moi que je le fais, et lorsque j’écris des textes qui ne sont pas courriels c’est souvent avec en tête la pensée de mes amies.
    Mieux vaut ça que d’avoir la tête auréolée d’un abat-jour boule. Je ne suis pas un saint. Mais je suis gentil. On me l’a dit par le passé, je n’appréciais pas, ça me rendait méchant. Méchant ça ne m’allait pas non plus, on me le reprochait – Je croyais que tu étais gentil. Les malentendus s’en donnent à cœur joie quand on ne sait pas trop qui on est. C’est ce pourquoi on écrit, afin de dissiper. De clarifier. De chasser la poussière avant qu’elle ne s’encroûte.
    Écrire c’est complexe, parfois il me semble que clarifier passe par l’ajout d’une strate supplémentaire de filtres entre soi et le réel. Aux autres, il semble alors que je ne leur écris pas vraiment, que je suis en conversation avec moi-même. Loin de moi pourtant cette intention. Je suis gentil et j’apprécie à présent qu’on m’en fasse crédit, comme d’une qualité singulière. Cela pique la baudruche de mes prétentions moins sympathiques, moins dignes d’être écrites.



mercredi 8 janvier 2025

à quoi sert l'abat-jour boule ?

28 mai

    Que se passe-t-il ensuite ? Un dimanche chez soi, à reprendre ses marques, assez peu intéressantes en comparaison. L’abat-jour boule du plafonnier est tombé, dispersant un tourbillon de poussière.
    L’abat-jour boule n’est pas tombé sur moi, j’étais de côté, occupé à tuer un moustique. Cela pourrait constituer une scène intéressante, dans un film, bien qu’un peu stéréotypée, le type avec son journal qui frappe dans le vide.
    Qui détruit un élément du décor tandis que le moustique, plus vif, ricane. Il y a aussi des araignées chez moi, je me dis que cela compense. J’espère qu’elles attrapent des moustiques et non seulement de la poussière.
    Leurs toiles, les miennes. L’abat-jour boule est tombé sur mon lit. Je ne m’éclaire jamais avec le plafonnier. L’abat-jour a pour fonction de cacher l’ampoule qui ne sert à rien. J’écris à une amie aux antipodes.

mardi 7 janvier 2025

Le ciel aussi est malhonnête

27 mai

    À l’aube, les oiseaux couvrent de leur chant le vrombissement du moustique. J’ouvre les yeux sur le paysage : c’est tristement laid. On dirait ce que c’est : une campagne irrespectée, une route sans caractère, des chantiers à plat, des bâtiments poussiéreux, des champs trop uniformes pour être honnêtes.

    Le ciel aussi est malhonnête, d’un bleu blanchi. Même l’étang où flottent des nénuphars semble une scène de crime, pas nette, même le sentier qui s’en va tout droit, bordé d’arbustes maigrichons, ne mène nulle part si ce n’est à un autre champ survitaminé et à un tas de gravats agricoles.
    Dans le taxi, ma chorégraphe est soucieuse, on prend du retard sur le périf. Mais on finit par arriver, je la retrouverai plus tard, au théâtre où elle dansera. Plus tard une amie me retrouve sur la place de la mairie, nous avons le temps de faire le tour d'un square anodin juste avant la représentation.
    Public bourgeois obéissant au rituel quand il faudrait n’applaudir qu’en enfants enthousiastes, les bras mal coordonnés, en sautant sur place tellement il y a de vigueur dans la joie. Ma danseuse-chorégraphe est un privilège généreux à qui sait regarder. Si le monde s’effondre, elle l’aura illuminé.

vendredi 3 janvier 2025

Une légère inflexion

 26 mai

    Le lendemain est une autre histoire, il suffit pour cela d’une légère inflexion des états d’âme au sein des corps. Il suffit d’ouvrir davantage le regard, de lâcher la bride aux pensées. De n’être pas d’accord parfois, emportés dans des mouvements imposés, et de signifier ce désaccord tout en accompagnant la fluidité des enchaînements.
    Il faut des mots pour habiter le silence de la danse, nous parlons. Nous cherchons, demandons confirmation, validons. Vers midi, une table est sortie au soleil, sur la dalle, vue sur le chantier où transpirent des ouvriers casqués. Les serviettes en papier s’envolent comme pour échapper à la poubelle jaune.
    Toujours cet étonnement de l’intelligence collective dans la création. Les solutions trouvées, les intuitions, les échanges. La beauté de tout cela. Nous serions bien en peine de manier un marteau-piqueur. Fin de journée, on danse encore, sur le sol de la cuisine. On joue aux cartes. Je m’applique à apprendre les règles, je perds ; c’est parfait.

jeudi 2 janvier 2025

C'est le printemps, tout de même

25 mai


   C’est le printemps, tout de même. Il y a du vert. Une gare parisienne où l’on arrive en avance, le matin, un square où dorment encore des exilés solitaires dans leur sac de couchage. Une dame promène un chat angora obèse.
    Le train traverse une ceinture urbaine épaissie d’année en année. Des champs taillés au carré entre deux zones industrielles. Au plafond, des diodes passent du bleu clair à l’orangé, en harmonie avec les teintes pastel des sièges. Personne.
    Le lieu de répétition était anciennement un corps de ferme. Des plaques de verre colorent le gravier. On laisse la porte ouverte, que pénètre la chaleur du soleil, que s’évacuent les particules virales. J’arrive après l’échauffement, les corps sont désireux.
    Ils dansent, ils sont jeunes, ils sont beaux. Je regarde, j’écoute, on parle. Il est question de danser, toute la journée. On avance, les tableaux se précisent ainsi que les intentions. Ces personnalités tellement incarnées, à découvrir.
    Le soir, nous allons voir un spectacle de cirque, tout s’y écroule. Passe et repasse un cheval blanc. On pleure, on rit. On évite d’écraser des lapins sur la route du retour. Nous avons, un jour de plus, survécu à l’effondrement en cours.

dimanche 29 décembre 2024

Interlude #21

 

D.R.

Mais comment l’attente,
qui n’est pas une action,
qui est la définition du fait que rien ne se passe,
simple intervalle entre des choses,
entre deux vagues de l’océan –
comment rien peut-il engendrer quelque chose ?
 
 Zia Haider Rahman (À la lumière de ce que nous savons)

dimanche 15 décembre 2024

A contre-saison #26

 ...

Ah, trop de travail par ailleurs, pas le temps de tenir ma promesse...

Les prochains textes arriveront après Noël.

***

En attendant - le temps d'une image de juin -

à l'opposé de notre position actuelle relativement au Soleil :

cette "contre-saison" du 15 juin

                                                                                                                               


Nous sommes habités par le vide inhabité de l’univers. Le dedans de la machine s’est rempli d’imaginaire – comme le miroir qui ne renvoie que de l’illusoire nous sommes remplis d’une même illusion. Nous ne sommes qu’un creux résonnant et réfléchissant qui ne peut se connaître et ne se connaîtra jamais autrement que par l’autour.

Serge Rezvani (in Les repentirs du peintre)