La porte de la
maison du petit cochon sort de ses gonds sous le coup d’une bourrasque
nocturne. Que se passe-t-il ? couine-t-il stupidement en bondissant sur
ses sabots. Comme s’il y avait des loups en maraude par ce temps. Comme si
quelqu’un allait répondre. Comme si quelqu’un s’intéressait à lui, ne serait-ce
qu’un assassin. Le petit cochon est fait de massepain, il se recouche en
frissonnant après avoir tant bien que mal bloqué l’entrée. S’il disposait d’un
piano ce serait plus facile. Demain il tentera d’amadouer un fiancé jaloux. Mais sa mémoire est
trouée, il ne se souvient pas de la dernière fois où il a vu son père. Ce
qu’ils se sont dit ? Aucun pressentiment. À l’époque il prenait beaucoup
d’antibiotiques (le fils), ça lui rosissait la peau mais n’explique pas tout.
Il se sentait du mou dans le crâne. Quand il sera devenu sage comme son père l’était,
il se fichera bien de l’avenir. Il y a plein de bas morceaux qu’il ne
regrettera pas, des moments passés à faire ceci ou cela. En revanche, peut-on
avoir trop joui dans une vie ? Non, et cela constituera motif à
réincarnation.
jeudi 17 janvier 2019
mercredi 16 janvier 2019
16 janvier
Attention, tu vas
marcher sur un escargot !
Le
soleil sur les vitres révèle qu’il faudrait nettoyer les vitres.
Le hibou
n’est qu’un enfant qui crie dans la nuit.
Les
fleurs d’amandier ressemblent aux fleurs d’arbustes moins précoces.
Rire
aujourd’hui ne te privera pas de rire demain.
(Quoique
tu ferais mieux de te tenir les côtes.)
L’hélicoptère
est un genre d’éléphant, certains ont de relativement petites oreilles.
Un
escalier se gravit aisément pourvu qu’il nous reste du souffle.
Rien
n’interdit non plus de se rouler en boule dans la neige.
De la
lecture sur chaque palier et les pommiers seront bien gardés.
Plus
souvent il pleut.
Et puis
c’est trop tard.
mardi 15 janvier 2019
15 janvier
Pour cirer un parquet, mieux vaut commencer dans le coin opposé à la
porte puis travailler à reculons. Le dernier pas ramènera dans le couloir,
avant de remballer le matériel et d’aller attendre ailleurs que se dissipent
les vapeurs toxiques. (Saperlipopette, on a oublié d’ouvrir la fenêtre !) Mais
Binh-Dû se trouve assis au centre du hangar dont les ouvriers ont reçu l’ordre
de lessiver le sol de béton à la va-comme-je-te-pousse, rien que pour
l’emmerder, eux se moquent bien de saloper le boulot avec des empreintes de
semelles, ils renversent des seaux de détergent et étalent à la raclette. S’il
ne se relève pas, il va avoir le cul trempé.
Ainsi l’ermite posé sur son île tandis
que fond la banquise. Mais contre quoi
protestais-tu, et de quoi as-tu peur ? Je ne sais plus, cela me
déplaisait qu’on me lance des ordres. Ou alors c'était juste la peur d’échouer, ajoute-t-il comme s’il était question de donner la bonne réponse, celle qui
masquerait le fait qu'on n’a pas révisé le dixième du programme. Peut-être la peur d'échouer est-elle toujours une bonne réponse, infiniment
redécouverte. En aucun cas, tu es
bien loin de redécouvrir quoi que ce soit, tu n’en es qu’au commencement. Enfant,
Binh-Dû craignait d’être fou s’il était différent, devenu grand il peine à
définir ses exigences.
lundi 14 janvier 2019
14 janvier
Soudain une toux
caverneuse plaque l’oxygène encore disponible contre les parois. Il va être
difficile de reprendre son souffle, sauf à lécher les ruissellements moussus.
Comme une expérience de traversée des règnes où il faudrait apprendre à
inspirer de l’eau, alors se déplisseraient des branchies insoupçonnées. Et l’on
donnerait un coup de nageoire caudale pour s’éloigner du bord, nos yeux
papilloteraient une dernière fois en transparence, il n’y aurait plus jamais de
mal de gorge ni de soif ni d’ambition démesurée, juste l’instinct de
préservation.
Rien ne presse,
le rossignol chante la nuit, Binh-Dû l’entend quand il se rend aux toilettes
pour faire caca. Tant de mélodie l’émeut. La gratuité du don, sachant que la
plupart des honnêtes gens dorment. Sachant le nombre d’appels qui se perdent – ce correspondant a cherché à vous joindre 1
fois sans laisser de message. Les termes sont mal posés, les inductions
hâtives, les implications aveuglément blessantes. Binh-Dû applique une noisette
infinitésimale de baume du tigre dans ses narines avant de se coucher, il
ronronnera mieux.
dimanche 13 janvier 2019
13 janvier
Les contrariétés
s’accumulent comme autant de contretemps, autant de façons de différer
l’inéluctable. D’aucuns définiraient de la sorte l’existence, mais ce n’est pas
le genre de Binh-Dû. Il s’engage dans une voie à sens unique qui l’envoie à
perpète ; il cherche sur le trottoir un bout d’oreillette qu’il a perdu en
marchant ; il casse une molette ; son ordinateur rame à télécharger
une vidéo ; il a entrepris de se couper les cheveux avec des ciseaux qui ne
coupent pas ; il a oublié de prendre de quoi noter. Et bien sûr il est en
retard.
De toute façon il
ne sera d’aucune utilité là-bas, sauf à révéler son incompétence : il n’a pas
même mémorisé le nom des invités. Il donnera le change une minute tout au
plus, avant qu’on l’excuse et le relègue dans les combles. Où il hululera, la
nuit, quand tout le monde sera parti. Ça le tiendra éveillé, ce bruit. Il
pourra méditer, les yeux fixes, sur l’avènement de la crétinerie universelle. Personne
ne le sollicitera plus, ils seront tous occupés à réduire l’incertitude, tandis
que lui, enfin ignorant de ses devoirs, aura achevé sa mutation.
samedi 12 janvier 2019
12 janvier
Des gâteaux
écrasés au fond d’un sac, on verra ce qu’on en fait. Pas grand-chose, ou alors
d’une façon un peu dégueulasse. Il y a de l’excitation dans la salle de bains,
une grosse faim. Il y a du bâillement concomitant, à s’en péter les vaisseaux
du cerveau, prière de ne pas mal interpréter. Binh-Dû a du souci avec les
interprétations, en ce moment par exemple il pleure et pourtant il n’est pas
triste, c’est juste physiologique. Il a froid. Il aspire à davantage de
simplicité, comme quand il était enfant et qu’il mangeait avec ses doigts,
suçant le jus du poulet.
(Cent-dix-sept
jours font moins d’un quadrimestre, moins d’une saison s’il n’y en avait que
trois dans l’année. Plus le temps passe maintenant et moins leur accumulation
forme problème, au contraire c’est joyeux, Binh-Dû reprend le fil d’une
conversation interrompue alors que l’hiver était loin encore, il aime toujours
autant entendre la voix et les mots de celle qui était partie, et comme si
c’était hier ou presque les voici qui se parlent infiniment tandis que la nuit
s’écoule, nouvelle. Ils ne tarderont plus à se revoir, c’est un espoir, et le
printemps suivra.)
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