Je ne sais pas si tu as déjà perdu une personne aimée et très proche. Quand un mort s’en va, il emporte son monde avec lui. Le sens de son monde. Ses vêtements cessent d’avoir une utilité. Ce manteau qui lui allait tellement bien et qui lui plaisait tellement n’est plus qu’une fripe absurdement accrochée à un cintre. Ses objets deviennent muets ; plus personne ne sait maintenant ce que signifiait cette tasse en porcelaine dans laquelle elle buvait toujours son thé, à quel moment elle l’avait achetée ni ce qu’elle lui rappelait. Ou cette petite pierre polie qu’elle avait toujours à côté de l’ordinateur : sur quelle montagne l’avait-elle prise, dans quelle rivière, pourquoi. Les choses se vident de leur histoire et de leur essence et se transforment en déchets. Les morts ne partent jamais seuls : ils emportent un morceau de l’univers.
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Je guette à nouveau pour voir si j’aperçois la belle Nyembeti. Mais non. Il ne reste que le boubou mis à sécher et qui ondule d’un balancement sensuel. Tout vêtement reçoit l’âme de la personne qui le porte.
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Dans le creux que laisse apparaître une empreinte, et par lequel un mouvement dans le temps prend forme dans l’espace, on peut voir que quelqu’un ou quelque chose est passé. La présence de la trace témoigne de l’absence de ce qui l’a formée. Dans la visibilité de la trace, ce qui l’a engendrée se dérobe à nous et demeure invisible (...). La trace ne rend jamais présent ce qui est absent ; elle représente la non-présence de l’Absent. Les traces ne donnent pas à voir ce qui est absent, mais plutôt l’absence même.
Rosa Montero (in La bonne chance)
& Mia Couto (in Un fleuve appelé temps, une maison appelée terre)
& Sybille Krämer (https://journals.openedition.org/trivium/4171?lang=de)
& Mia Couto (in Un fleuve appelé temps, une maison appelée terre)
& Sybille Krämer (https://journals.openedition.org/trivium/4171?lang=de)