mercredi 27 septembre 2023

Il faut imaginer Cassandre heureuse

lundi 26 septembre
 
    Mais y a-t-il de quoi ne plus trembler ? Il faut imaginer Cassandre heureuse (revisiterais-je Camus). Sisyphe encore vivait dans le feu de l'action, Cassandre est à bout de courage. Il faudrait apprendre à pratiquer un désespoir heureux. Ou mettre de la joie dans le désespoir. Nous n'avons plus trop le choix, nous qui savons.
    Il fait froid, comme il faisait chaud, de plus en plus. Le vent souffle sur le causse et s'insinue même dans les replis. Le lichen pousse sur les conifères. Le chauffeur-grutier d'un camion chargé de grumes arpente soigneusement les abords d'une parcelle saccagée, ses bras débordent de champignons. Jusqu'où, morte, la forêt vivra-t-elle encore ?
    J'ai si froid que j'hésite à m'arrêter pour enfiler une polaire sur ma chemise d'été, comme si marcher vite était indispensable à me maintenir en vie. Peut-on mourir de tant d'inadaptation ? Que faire de la conscience de notre précarité thermique - les hommes préhistoriques devaient survivre à chaque nuit, quand dans la voiture je tournerai un bouton de chauffage.
    Une mini-clairière de soleil où ingérer quelques calories, enfiler cette polaire - mes doigts sont gelés au point de ne pas pouvoir remonter la fermeture éclair. Au point de peiner à enfoncer une cuillère dans un avocat, je dois le poser sur une souche et peser avec tout mon corps. Un couple emmitouflé rentre les épaules sur le plateau préhistorique. J'étreins un menhir à ma taille.