dimanche 2 octobre
Insouciant je me suis endormi au pied d'un château et me suis réveillé en panne de batterie. Retour à la vie semi-sauvage, après quatre jours matériellement plus confortables. Retour à cette voiture-bonbonnière où je ne vais tout de même pas passer la journée. À la première joggeuse qui passe je demande si elle a des câbles, elle téléphone à son copain. J'ai déjà vécu cette situation, ce moment, exactement, je ne le lui dis pas pour n'en pas hâter la dilution. Son copain n'a pas de câbles. Un homme qui promenait son chien en a, lui, et sa voiture est garée juste à côté. Ça redémarre. Nous dégoisons ces voitures modernes. Il me conseille d'aller voir son pote garagiste, d'ailleurs il me propose de le suivre jusqu'au garage pour savoir comment m'y rendre lundi, sa serviabilité est grande, peut-être écoute-t-il une radio populo-fasciste et vote-t-il en conséquence.
Je marche sur le chemin du col, vite, dans l'air frais de cette saison et de ces montagnes. Et la joie surgit, comme d'inespérées retrouvailles, c'est si beau. Je suis revenu. Dix années se sont écoulées depuis la dernière fois, dans ce massif excentré, celui de mes tout premiers souvenirs montagneux. Je suis chez moi en quelque sorte. Et tout a déjà été vécu. Même les prochaines fois. Tout est déjà-vu, comme ce moment près de la voiture en panne, le temps n'est pas linéaire, il est accompli, et la vie est un resouvenir de ce qui a déjà eu lieu. Une pensée dingue et apaisante. Je n'ai rien à craindre, ma vie fut belle et longue au fur et à mesure que je la redécouvre, aimée et chanceuse. Même en sa précarité circonstancielle – l’incertitude que la voiture redémarre ce soir, que je puisse même l'ouvrir, que je trouve où dormir, que j'aie froid… Ici est le bonheur.