vendredi 6 octobre 2023

Il faut se déconnecter, il faut se reconnecter

mardi 4 octobre

Il ne faut pas se reconnecter (aux satellites parasites). Il faut se reconnecter (à la nature dont nous sommes faits). Un oiseau trottine dans la rue déserte, il en fait du chemin, en long et en travers, qu'il pourrait parcourir d'un battement d'ailes. Parce que c'est moins fatigant ? Et moi ? Est-ce que je choisis le plus souvent de ne pas vivre au plus élevé de ce qui m'est donné ? Une sauterelle bondit en faisant miroiter des ailes bleu royal puis se pose terne sur le sol. Faire peur ou se camoufler. Et moi ? N'appliqué-je pas précisément ces mêmes deux stratégies en environnement menaçant ?

En haut du col, suant après l'effort, je me couvre de plusieurs couches de vêtements mais il ne fait pas si froid. Je ne mets pas mes gants. J'admire la vue immense, les montagnes enneigées, les nuages en contrebas. Je m'assieds. Il y a des moments de silence absolu. Ni vent, ni oiseau, ni cascade, ni avions. Faire le tri et évaluer le sentiment. Si tout est mort alentour, serai-je heureux encore ? 

Je ne fais pas le tri. Ces journées sont parfaites. Tout va bien. Tout s'agence à merveille. Même les erreurs et les contrariétés (les "mauvais choix") se révèlent favorables. Les retards, les fausses routes, les anticipations erronées aboutissent à des instants que je n'échangerais pas contre d'autres. Les souhaits se réalisent : au soir, la douche idéale, j’avais à peine osé l'espérer. Tout est parfait. Mais aussi et pourtant : je perds mes cheveux, mon nez devient un tarin (me dit le miroir du camping). Cela fait plus de vingt ans que je mange chips, conserve et banane dans une voiture avant d'y dormir.

Ces années sont dépensées. Était-ce parfait ? David Bowie a eu une vie idéale et il est mort, est-ce parfait ? Qu'est-ce que la perfection d'une vie qui s'écoule puis qui cesse ? Il faut admettre qu'une vie parfaite peut cesser à tout instant. Pour le bébé comme pour le vieillard. Cela s'appelle le présent. À quinze ans la mort d’une irremplaçable m'a plongé dans un deuil infini, une conviction défaitiste. C'est parfait.