mardi 16 avril 2024

Rhizomiques #185

    Je préférais quand il pleuvait et ventait. Je pouvais alors rester dans ma chambre et regarder des films sur mon lit, lire ou dormir en toute bonne conscience. Le soleil était contraignant. Quand il faisait beau, on était censé sortir, voir des amis, être gai. Rester à l’intérieur par un temps pareil semblait fou et me donnait l’impression d’être une ratée, même si mes activités étaient exactement les mêmes que d’habitude. Et même si, après tout, j’étais maîtresse de ma propre vie.
    J’étais libre de faire comme je l’entendais. Par conséquent, pourquoi avoir mauvaise conscience si je ne souhaitais pas aller me soûler en terrasse ?
    Merde alors ! Qu’ils aillent tous se faire foutre !
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    En fin de compte c’est triste à dire mais la situation actuelle m’arrange plutôt. Comme il n’y a plus de bars, ni boîtes, ni soirées, au moins je ne me sens plus coupable de ne jamais y aller. C’est la suspension officielle de tout ce que je fuis… Tout comme j’ai toujours rêvé qu’un pouvoir un peu autoritaire décrète l’interdiction de la sexualité. Ce serait génial. Je dirais à tout le monde eh non, que veux-tu, depuis l’interdiction je n’ai plus de vie sexuelle
    Bien entendu il m’arrive de penser que je ferais mieux de me mettre sur un site de rencontres, plutôt que d’attendre l’interdiction de la sexualité.
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À la terrasse d’un café, un homme m’aborde et interrompt ma lecture. Il me pose un tas de questions. Je sais maintenant qu’il joue du saxophone et qu’il habite le quartier. Il me parle comme si je n’avais rien de mieux à faire. Pourtant je lisais Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, et je pensais, à tort, qu’avec un tel titre j’étais tranquille.
 
Karl Ove Knausgaard (in L’Étoile du matin)
& César Morgiewicz (in Mon pauvre lapin)
& Mathilde Forget (in À la demande d’un tiers)