mardi 28 janvier 2025

J'ignore ce que cela raconte

3 juin

    Par la fenêtre ouverte des voisins d’en face je vois se refléter dans la glace de l’armoire de salle de bain un morceau de mon toit en tuiles exactement semblable au toit de tuiles de mes voisins. J’ignore ce que cela raconte. Je n’ai pas de chat.
    J’ai des amies, l’une est davantage fugace que fluide, elle réside au bord de la Méditerranée depuis près d’un an, c’est la première fois aujourd’hui que je la revois. Comme avant, dans l’agitation d’un festival d’arts de la rue.
    Comme avant, lorsqu’elle était d’Île-de-France, et qu’on allait se promener le long des quais de la Seine. Je lui trouve une densité nouvelle, un surcroît de vitalité. Une charge de soleil provençal, un rayonnement cosmique ?
    On n’a qu’une vie, la mienne s’essouffle sur le vélo dans une pente que, plus jeune, je gravissais allègrement. J’ai des excuses. Un jour je suis entré chez les voisins – ils avaient perdu leurs clefs – par une (autre) fenêtre, tel un chat.
 


 

jeudi 23 janvier 2025

Prendre exemple sur le chat

2 juin
  

  Le chat se penche par-dessus le rebord de la fenêtre des voisins d’en face à tel point que je l’admire de ne pas tomber. Son pelage est d’un noir profond qui n’accroche pas la sensibilité de mon smartphone, à peine aperçoit-on les points verts de son regard.
    La nature s’en donne à cœur joie dans la forêt proche où pourtant nul animal ne s’enfuit sur mon passage. Nul félin plus ou moins sauvage. C’est une nature végétale, déjà bien installée dans sa course printanière. Il y fait déjà un peu trop chaud.
    Je photographie des fleurs. Des frondaisons en manque de nuages. Je continue à éviter autant que possible les gens. Mon amie fluide est repartie hier au soir dans sa banlieue par le tramway, cela me pince le cœur comme une scène de cinéma.
    Cela ne devrait pas, mais qu’est-ce qui devrait être, autre que ce qui est ? Je devrais moins traîner la jambe, mais pour cela, encore faudrait-il que ma tendinite soit guérie. Je devrais prendre exemple sur le chat, oui mais on n’a qu’une vie.

mardi 21 janvier 2025

En-deçà des explosions

1er juin
 
© Ian Grandjean
(Cie Libertivore)
 
On peut aussi se tenir en-deçà des explosions. Ou un pas de côté. Aller écouter le brame d’animaux fantomatiques, dans une nuit de théâtre, on se suspend à un andouiller élevé dans les cintres et l’on tourne sur soi-même. On est invertébré glissant une frustration d’amour humain jusqu’à ramper sur le sol. On bondit au contraire pour s’accrocher aux troncs des arbres et se hisser plus haut que la voûte céleste (et l’on redescendra la tête en bas, discrètement). Voilà ce qu’on fait, du moins ce qui se montre à mes yeux et à ceux de ma compagne du jour, pour notre part nous nous contentons de regarder bien assis dans nos fauteuils. Et d’applaudir à la fin, ni enfants ni trop adultes. Il se pourrait que nous apparaissions comme un drôle de couple que nous ne sommes pas, la dernière fois que nous nous sommes tenus à côté l’un de l’autre remonte à quatre mois. Ou en face l’un de l’autre, comme dans ce café dont nous ferons la fermeture, où nous commandons des boissons mal assorties.