jeudi 4 décembre 2025

une danse saxifragique

13 juillet
(2/n)
 
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Photo : Vincent Muthelet 
Droits d'auteur : Studio Griffon
 
  Je me lève à l'aube, retrouver l'amie cheminant au bord du fleuve, méditant à propos des plantes, du cosmos, de l'existence sur Terre impulsée des profondeurs via les tourbes et les racines. C'est une "aube de la création", première ébauche de spectacle, de promenade participative. On s'égaille plein champ, replanter des pissenlits ; on regarde le ciel entre nos doigts ; on empathise le temps d'une danse saxifragique. C'est délicat, joyeux, ça nous met la rosée aux yeux. La planète est peut-être foutue mais on peut encore placer sa lucidité ailleurs, en vision décentrée de nos accablements. L'amie et son compagnon musicien sont beaux, raison d'espérer non moins que de désespérer, il est ici question de choix.
    Et d'être soi. De laisser s'exprimer la danse. De venir avec son propre visage, ainsi que le proposait le poète.
    Avant midi une autre amie danse sous un loup et une fourrure, il me faut quelques secondes pour l'identifier. Je suis arrivé en retard, j'ai manqué sa prise de parole. On se reverra plus tard. Je ne manque pas le début de la déambulation de l'amie troisième et de son double dissocié. Il y est question de se taire ou non. Six cents personnes dans la rue écoutent. Puis je passe saluer l'amie quatrième, en pause de sa Radio Banane. Heureux de se revoir, à demain ! Je retourne voir danser l'amie deuxième du jour. Elle a conservé le long des bras ses tatouages du matin. Cette fois elle porte une combinaison de chantier et distribue des pensées de chien photocopiées à la hâte.
    La nuit tombe, mes jambes aussi. Je m'assieds à côté de petits vieux, parce qu'il y a de la place, non loin d'un spectacle assourdissant qui ne m'intéresse pas.
    C'est la nuit à présent. Dernier effort du dernier jour, couché sur le flanc et sur l'herbe humide, "Mes amours" en titre comme une provocation : je m'attends à ne pas sourire. Un couple se sépare par textos, une oie casse des assiettes, une mariée chante sa liberté dans une arène de feu électrique... Et tout un flux de joie possible m'envahit, qui me porte jusqu'à l'utilitaire, jusque dans mon sommeil.

mardi 2 décembre 2025

Alvéolaire

vendredi 12 juillet
(1/n)


    Ça démarre péniblement, on y va quand même ?
    Revenir en peur, sans peau, exposé à l'air libre... 
À l'air renfermé d'un coffre-fort utilitaire – l'arrière de la fourgonnette où je ne peux me tenir qu'à genoux ou couché sur le plancher. (Les sièges avant, je m'en avise bien tard, ne s'inclinent que vers l'avant et je n'ai rien apporté pour épargner mon dos qu'une couverture élimée datant d'un demi-siècle.) La lumière passe par une grille à chenil – qui ne peut s'ouvrir que depuis la cabine. Suée de peur claustrophobique. À croire que je ne pourrai jamais dormir de la nuit, alors pourquoi ne pas repartir en sens inverse, rapporter au loueur l'inutile utilitaire, retrouver le cocon de mon lit à quelques centaines de kilomètres d'ici ? Pourquoi, comment croire aux bienfaits d'une énergie de festival ?
    Je finis par m'endormir, d'un sommeil cent fois entrecoupé de douleurs osseuses et d'assauts de moustiques.
    Réveil tardif, hagard. Dehors la fête – où je m'égare, ne trouve rien. J'achète au centre commercial un tapis de sol alvéolaire, la nuit prochaine je dormirai comme un œuf. En fin de journée, quatre funambules discrètes dessinent des lignes sous le ciel.