Et l'océan est toujours en place. Première infusion d'air atlantique, le dos de Binh-Dû le lance au matin sur le sentier côtier, poussé par le vent. Mais comme il s'agit aussi de revenir, la chance tourne. Sur le parking, ce qui tirait sur la gauche se révèle pneu dégonflé. Il faut s'asseoir sans rien blesser, suspendre la crispation des lombaires, relâcher au havre du garage.
Le traumatisme commence à se soigner en quatre tours de boulons, d'abord dans le sens contraire des aiguilles, il paraît que rien n'est plus élémentaire que l'équilibre. Les routes sont jonchées de châtaignes aux bogues éclatées et de feuilles rousses, le cycle des compensations tourne à plein régime. Même si parfois le voyant d'huile s'allume, telle une douleur fantôme.
Au soir, celle-ci s'effacera devant une crêpe à l'andouille. Mais ce qu'on retiendra, outre le plaisir de retrouvailles, c'est la seconde infusion qui fut la plus sereine, entre changement de valve et vidange, zénith et crépuscule, à nouveau en prise ; ayant pris garde de ne pas écraser les patelles, s'étant excusé auprès de l'aigrette délogée de derrière son rocher.
jeudi 11 octobre 2018
mercredi 10 octobre 2018
10 octobre
Le lait de soja ne va pas de soi, de même qu'il n'y a pas toujours de chat dans le couffin du chat. Ou qu'un millier de dents de scie ne viennent pas à bout du thuya. Si l'existence ici-bas est absurde et demie, il y a lieu de se réjouir qu'elle ne le soit pas doublement. Tout ce qui s'écrit ne relève-t-il pas de la veille ou du lendemain ?
Cette fois est la bonne, Binh-Dû s'en va. Il peut recommencer à compter les kilomètres et à éviter les éoliennes. Leur malveillance, l'âme humaine ne saurait la supporter sans dommage. Le répit est encore course contre la montre, dans une forêt tranchée. Vision avalée, simplicité de la ligne droite, aperçus d'un ciel autrefois refuge immémorial.
Heureusement le déport est une illusion confirmée. L'avenir ne serait pas déjà à jeter dans la fosse de ce qui fut irrémédiablement détruit. On peut sourire de soulagement. Qu'est-ce qui est le plus amusant ? Sentir qu'on progresse en équilibre entre anciennes et neuves connaissances. La mer brise en paix, les haubans battent une berceuse, toutes les lumières s'éteignent.
Cette fois est la bonne, Binh-Dû s'en va. Il peut recommencer à compter les kilomètres et à éviter les éoliennes. Leur malveillance, l'âme humaine ne saurait la supporter sans dommage. Le répit est encore course contre la montre, dans une forêt tranchée. Vision avalée, simplicité de la ligne droite, aperçus d'un ciel autrefois refuge immémorial.
Heureusement le déport est une illusion confirmée. L'avenir ne serait pas déjà à jeter dans la fosse de ce qui fut irrémédiablement détruit. On peut sourire de soulagement. Qu'est-ce qui est le plus amusant ? Sentir qu'on progresse en équilibre entre anciennes et neuves connaissances. La mer brise en paix, les haubans battent une berceuse, toutes les lumières s'éteignent.
mardi 9 octobre 2018
9 octobre
Dans ces conditions, lundi peut s'envisager comme un jour prolongeant le dimanche. En harmonie, sans rupture de rythme. Voilà déjà midi qui passe, et la décision de remettre au mardi un réveil plus matinal. Tout est justifiable. Vers la fin de la journée le périphérique ralentit puis se bouche, à ne pas mettre une roue dehors. Les estomacs réclament.
Les enfants, les épousé(e)s servent à déporter l'angoisse existentielle hors de soi - l'autre sert à donner ce qu'on refuserait de s'accorder. Certes, l'autre sert aussi à obtenir ce qu'il nous semblerait devoir voler sinon. La possession a un coût. Au moins Binh-Dû prendrait la tangente s'il parvenait à emprunter, le temps d'un élan, la dynamique d'un flux.
Sur les photos il apparaît si fatigué. Cent pour cent polyester, les ravages se mesurent au nombre de bouloches. Il y a de mauvais plis sur sa chemise, également. Un relent pas très net. C'était l'été, on pelait les cœurs d'artichaut, à présent ce sont les feuilles qui tombent, et les heures, ces dernières égrainant dans la nuit voilée le jour suivant.
Les enfants, les épousé(e)s servent à déporter l'angoisse existentielle hors de soi - l'autre sert à donner ce qu'on refuserait de s'accorder. Certes, l'autre sert aussi à obtenir ce qu'il nous semblerait devoir voler sinon. La possession a un coût. Au moins Binh-Dû prendrait la tangente s'il parvenait à emprunter, le temps d'un élan, la dynamique d'un flux.
Sur les photos il apparaît si fatigué. Cent pour cent polyester, les ravages se mesurent au nombre de bouloches. Il y a de mauvais plis sur sa chemise, également. Un relent pas très net. C'était l'été, on pelait les cœurs d'artichaut, à présent ce sont les feuilles qui tombent, et les heures, ces dernières égrainant dans la nuit voilée le jour suivant.
lundi 8 octobre 2018
8 octobre
Ses chaussettes, Binh-Dû se prend les pieds
dedans, il aurait mieux fait d’aller se recoucher. Contre un montant du lit se
cogne et trébuche. Ensuite, il ne sait plus. Sans doute a-t-il rêvé.
« C’est ainsi que tu me quittes ? » pleurnichait-il, aussi peu
séduisant que possible et sans doute était-ce le but. Devenir responsable de ce
que l’on subit, donner du sens malin à son échec. Il aurait aimé toutefois obtenir
une réponse mais il n’y avait personne.
Certains visages défaits ne seront jamais
observés que dans des miroirs, et encore, très vite on détournera les yeux.
Même, le remède miraculeux consiste parfois à élever d’un cran le mal – car à
quoi bon souffrir médiocrement ? Le mal n’est pas si mal, pas
nécessairement, qu’on pense à une poignée de céréales flottant dans un bol de
lait de soja à peine périmé.
Et une cuillerée de miel par-dessus. Qu’on
pense au plaisir éprouvé à écraser un insecte vrombissant ayant eu l’aplomb de
se poser sur le dos de notre main, et l’ouvrier à la perceuse matinale on lui
ferait bien passer le goût de vriller nos rêves (si désolés soient-ils).
Binh-Dû se réveille chez lui, il
aurait pu (en) être autrement mais on ne sait jamais à quoi s’en tenir avec ces
pronoms, c’est comme de dire « il pleut ».
dimanche 7 octobre 2018
7 octobre
L’amour, qu’il se dépêche. Ou qu’il se déporte, tout ne se résume-t-il
pas au choix d’une ville, d’une bibliothèque, d’un livre ? Au rythme de
lecture, si l’on a bien dormi, à la disposition...
Binh-Dû est moins prêt que jamais à n’importe quoi, à moins que ce ne
soit le contraire : il serait prêt à tout, pourvu que ce soit bien présenté ;
selon des critères indécis.
Plutôt que de se conforter soi-même. L’histoire décrit une inconnue
passionnément aimable, ici l’on croque en solo du chocolat, adossé à
l’oreiller.
L’auteur n’a pas renoncé aux péripéties, aux tourments, à la force
d’âme. Une fois refermé le livre, reste un goût amer et un sentiment
d’inutilité.
Une sensation physique aussi, qui prend aux tripes, tant le
retournement de saison augure d’une chute dans le froid, jusqu’où ? Vraiment, on y va ?
C’est en demeurant qu’on attire les bombes, aussi Binh-Dû remplit-il
son sac, remonte-t-il ses chaussettes et s’élance-t-il vers l'ouest.
samedi 6 octobre 2018
6 octobre
L’usage de
ses poumons est encore pour Binh-Dû un gage de son individualité. Bien qu’il
maîtrise mal l’environnement où ils se gonflent, en deuxième lieu cette
atmosphère plus ou moins respirable qui nimbe la surface terrestre. En premier
lieu cet assemblage corporel dont la fonctionnalité lui semble se dégrader à la
mesure des temps. L’âge n’aide pas, ni la froide humidité. Pour autant Binh-Dû
n’a pas abdiqué devant la technologie, son rythme intime garde ses distances
avec tout ce qui pourrait sonner comme des bips. Même le chant des baleines il
n’y croit plus, et ce qu’il voit de ses yeux voit n’est jamais que surface
émergée. À la fin, la plupart des gens trouvent un certain réconfort à gratter
le tissu des draps du lit dont ils ne se relèveront pas. Tout ramener à une
quête de réconfort. Binh-Dû voudrait-il cesser de respirer à en mourir, il n’y
parviendrait pas, le souvenir de l’air serait trop pressant. Quoi d’autre le
retient avec une telle persistance – l’espérance bien sûr, pareillement tenace,
chaque acte visant avant tout à rassurer l’homme de peu de foi. Nous sommes tous identiques dans notre prétention au contrôle, nonobstant l’amour demeure une
belle aventure.
vendredi 5 octobre 2018
5 octobre
Mais cesserez-vous bien de tousser ! Les rires, les applaudissements, les
bâillements, passe encore. Mais cette contagion-là, comme si l’humilité était
une faute de goût, comme si le théâtre n’était qu’un espace d’ostentation
personnelle, comme si la scène n’était que prétexte à la salle... Vous ne
voudriez pas quitter les lieux et vous en aller mourir, plutôt ?
On demande à Binh-Dû s’il s’aime et il entreprend de répondre
sérieusement, non mais oui quand même, ça dépend. (« On » n’est pas
n’importe qui.) Plus Binh-Dû s’énerve contre ses contemporains de race humaine,
moins il est enclin à se pardonner d’être des leurs. Identité qui n’est pas si
évidente d’ailleurs, tant il revêt souvent la peau de l’ours.
Qu’on leur donne de bonnes raisons de tousser, et à moi des coups de
bâton, ronchonnerait-il encore. Binh-Dû ces jours-là cesse d’être Binh-Dû mais
il se souvient de son nom, c’est sa voie de salvation. Il dormira plus
longtemps, il remontera plus loin dans les étoiles, il se secouera les grelots
et reviendra calmé, ses pouces formant cercle à chaque main.
Inscription à :
Articles (Atom)