La
perspective donne un tempo.
Un
monstrueux pylône gâche la ligne de crête. Binh-Dû irascible ne verrait que
lui. Rêvant de sabotage (l’attaquer à la pince-monseigneur ? remplir une
gourde d’acide ?).
Faudrait-il
sensibiliser les employés de supérette à l’infamie que constitue la musique diffusée dans ces lieux déjà mortifères ? Serait-ce charitable ?
Serait-ce pour leur bien ? Leur faire savoir que nombre de leurs neurones
sont ainsi irrémédiablement détruits (à moins d’un sevrage
drastique en cure de silence) ?
Faut-il
dire et redire la désolation sans bornes que
génère le comportement humain ? Est-ce intéressant, est-ce utile, cela se
justifie-t-il ? Ou plutôt varier les obsessions, il en est de plus
plaisantes et généreuses, adoucir le regard, musicaliser l’ouïe. (L’odorat, le
goût, le toucher sont aussi attaqués, mais autant établir des priorités.)
Ne jamais
oublier de chercher ailleurs, où réside la joie. Une âme plus sereine l’aurait
à peine remarqué, ce foutu pylône. Pour autant, savoir qu’il détonne, et le
regarder en face, car ne pas voir le pylône c’est ignorer le mendiant.
Peut-être simplement ne pas se fournir en acide, et simplement donner la pièce.
Tel est ce monde, et voilà tout.
Un amas
de chenilles forme champignon mouvant d’où l’on ne voudrait jamais s’extirper.
Un c’est le cocon, vu d’en haut. La remembrance des ailes, en perspective. Deux
c’est la gravure oscillante d’une fleur sur la pierre. Ramasser l’ombre, la
pierre, la fleur ? Ou laisser vivre, trois ! C’est le tonnerre
soudain : ici ! Maintenant !
Franchis
vite le col avant que je ne te rattrape et te foudroie ! Oui, de l’autre
côté ce sera grandiose. Mais non, profite de chaque seconde ! Chaque pas
sur le névé. En bas il fera 35°, mais non ! Ici tu pleures de froid, ta
morve coule, profite ! Cours avant que cela ne tombe, cours sur le chemin,
la pluie s’abat, te fouette, accroupis-toi.
Tes
pieds vont être trempés. Les grêlons vont percer ta cape. Les grêlons vont te
briser le crâne ou les os de tes doigts en protection. La foudre va te tuer.
Mais finalement
: la vie devant soi excède en perspective une poignée de secondes.
[merci à Edward Abbey – lire
« Le gang de la clé à molette »]