dimanche 3 novembre 2019

3 février


           Pourtant, à tout prendre (peur, du recul, de la hauteur) on y gagne au change. Car sinon la pente glisse vers l’horreur. Jusqu’à ce que tu n’aies pour seule espérance que de pacifier ta propre abjection en la dupliquant autour de toi, voulant convertir tes semblables afin que semblables ils demeurent, et ainsi te justifier, et in fine sceller à double tour ton irréparabilité.
           Oh non, reste doux ! Reste désolé, incompris, que ton espérance soit celle du désespoir – mais attentionné. Sois gentil, ennuyeux, et triste surtout, ne renonce pas à ta tristesse ! Continue à être maltraité, moqué, plaint, continue à sourire tel un panda en voie de disparition. Tout plutôt que de faire, de la cruauté qui démange à l’intérieur, ton nouveau principe moteur.
           Le zèle de la souffrance est ce qui subsiste de créativité chez ceux qui n’envisagent plus de retour au terme de leur dérive. Ils sont perdus au point de désirer que le monde s’anéantisse après eux. Ils rient beaucoup, trop fort. Ils ont de l’esprit, du moins ce qui en tient lieu, ils sont drôles. Ou pas. Ils sont positifs. Ou cyniques. Ils t’en diraient de belles – ne les écoute pas !

samedi 2 novembre 2019

2 février


           Si ton amour était plus grand que le sentiment de ta finitude. Mais l’amour, en son sens le plus partagé, est une stratégie de lutte contre la souffrance. Un pis-aller. L’amour  tel qu’on s’y réfère est un pis-aller de l’amour.
           Dans l’arbre jacasse une pie. Il faudrait parler des arbres. On n’en sortirait pas. Il n’y a rien qui vaille en-dehors des arbres. Les arbres sont le meilleur-aller de tout ce qui vit ici-bas. L’amour est inclus dans leur tronc, leur cime et leurs racines.
           L’amour tu n’y croyais plus que comme à un rêve lointain dans le passé, et puis elle a semblé hésiter et tu t’es rapproché et tu t’es penché sur ses lèvres qu’elle a ouvertes pour toi, et vous avez été aussi étonnés l’un que l’autre.
           Disons-le, c’était merveilleux, mais était-ce de l’amour ? Était-ce un arbre ? Vous avez démêlé vos branches, avez pris un peu de hauteur et de recul, vous avez recommencé à avoir peur. Ô que vous êtes fatigants, pauvres incrédules !

vendredi 1 novembre 2019

1er février


Tu ne sais plus si tu attends ou si c’est toi que l’on attend.
Un monde parfait ne peut être un monde parfait.
Le chevreau glisse, attrape-le par son sabot !
Ton intérieur est un tableau de lymphe.
Ne prie pas sous la douche !
Qu’est-ce qui est glacé, tout blanc, et ne fond pas sur la pelouse ?
Les morts patientent entre deux pages.
Le plus court chemin dédaigne les escaliers.
Et l’on tuera tous les pigeons !
L’artiste a manqué son uber et s’est fait percuter par un bus.
Dans le doute, demande une anisette.
Des doigts repousseraient si durant cent ans tu cultivais ton moignon.

jeudi 31 octobre 2019

31 janvier


            Mais pour l’heure tu suffoques, dans le sac de farine on ne distingue pas un ver d’un autre. Tout ce que l’on constate c’est le grouillement et la puanteur, l’air irrespirable bientôt. Pour cela il y a des mots, plus qu’il n’en faut, les mots de la toxicité et de l’effort en pure perte. Les mots de la perte où se renforce l’intuition que ton monde, celui où tu évolues et dont tu es constitué depuis le jour de ta naissance, telle la lune en course pour l’éclipse, est en passe de se superposer au destin apocalyptique de toute l’humanité.
            Impossible de s’extraire à moins de recourir au déni. Et c’est peut-être la plus avisée des perspectives qu’il te reste, allez, rions un peu tant qu’il en est encore temps ! Au diable toute cette négativité, on n’est pas bien, là ? L’alcool substitue à l’amertume un goût sec et écœurant, tu vois danser des squelettes. Et tu ris parce que c’est drôle, tu essaies d’imiter le sourire de leurs dents. Tu as un grave besoin de t’amuser si tu ne veux pas tomber et entraîner ceux que tu aimes dans ta chute. Sur la décimation tu danses.
[tribut à Claude Lévi-Strauss]
[et merci à la "Loving Suite pour Birdy So"]

mercredi 30 octobre 2019

30 janvier


           Ils s’apparient par peur de la solitude ou d’un manque de crédit social. Ils sont des naufragés qui ont eu la malchance qu’on repère leur signal de fumée. Ils sont des inconnus l’un pour l’autre, sans qu’il y entre le moindre soupçon de délice. Ils détournent les yeux des autres naufragés, moins chanceux croient-ils – et de fait la plupart de ceux-ci  meurent noyés. Ils vivent noyés. Ils s’agitent, jouent des coudes, ils attrapent le bon train, croient-ils, n’en sortent que pour sauter dans un avion. Ils préfèrent la place près du hublot pour limiter la promiscuité ou la refusent par claustrophobie. Ils n’entendent rien au paysage. Ils aiment la viande. Ils baisent dans le cynisme. Ils n’ont aucune dignité. Ils sont désespérants, à se jeter à leurs pieds. Si tu cesses de les haïr, que te reste-t-il ?
           Que voir, une fois les yeux dessillés ? L’horreur, ou une splendeur joyeuse ? Peut-on choisir ? Comment vivre ? Le déni du condamné semble un droit légitime, quand bien même tout le procès serait une farce. Mentez tant que vous voulez, mais posez-vous la question de ce que vous désirez encore pour le reste de votre vie. Votre âme enfouie, que voudrait-elle ? Tu regardes le gris du ciel et le gris de l’océan. Tu ne te souviens plus de la couleur des yeux de celle que tu aimerais voir à ton côté. Tu es coupable de ce qui t’est échu en vain, et tu persistes à gâcher du temps. Un jour il faudra fermer  le livre et repartir à l’aventure. Pour peu que tu aies abandonné tout espoir, ta vie de noyé remontera peut-être à la surface. Alors il n’y aura plus de mots, juste ta respiration perdue.