mercredi 30 octobre 2019

30 janvier


           Ils s’apparient par peur de la solitude ou d’un manque de crédit social. Ils sont des naufragés qui ont eu la malchance qu’on repère leur signal de fumée. Ils sont des inconnus l’un pour l’autre, sans qu’il y entre le moindre soupçon de délice. Ils détournent les yeux des autres naufragés, moins chanceux croient-ils – et de fait la plupart de ceux-ci  meurent noyés. Ils vivent noyés. Ils s’agitent, jouent des coudes, ils attrapent le bon train, croient-ils, n’en sortent que pour sauter dans un avion. Ils préfèrent la place près du hublot pour limiter la promiscuité ou la refusent par claustrophobie. Ils n’entendent rien au paysage. Ils aiment la viande. Ils baisent dans le cynisme. Ils n’ont aucune dignité. Ils sont désespérants, à se jeter à leurs pieds. Si tu cesses de les haïr, que te reste-t-il ?
           Que voir, une fois les yeux dessillés ? L’horreur, ou une splendeur joyeuse ? Peut-on choisir ? Comment vivre ? Le déni du condamné semble un droit légitime, quand bien même tout le procès serait une farce. Mentez tant que vous voulez, mais posez-vous la question de ce que vous désirez encore pour le reste de votre vie. Votre âme enfouie, que voudrait-elle ? Tu regardes le gris du ciel et le gris de l’océan. Tu ne te souviens plus de la couleur des yeux de celle que tu aimerais voir à ton côté. Tu es coupable de ce qui t’est échu en vain, et tu persistes à gâcher du temps. Un jour il faudra fermer  le livre et repartir à l’aventure. Pour peu que tu aies abandonné tout espoir, ta vie de noyé remontera peut-être à la surface. Alors il n’y aura plus de mots, juste ta respiration perdue.