vendredi 20 décembre 2019

20 mars


           Une fois de plus tu vas tourner au coin d’une rue. Marre que ça aveugle, rideau le temps de reposer la rétine. On a eu assez chaud. Winter is coming, tu parles, l’hiver c’était au bon vieux temps de la guerre froide, combinaisons peau de lapin, moufles et chapka.
           Une fois de plus tu as tout dit, tu as fait le tour, même en réduisant le paramètre, même en rétrécissant les lunes. Tu reviendras. Tu bâilles déjà. Tu fais défiler ta playlist, David Bowie est aussi vivant que toujours. Et si c’était le printemps qui s’annonçait ?
           Je jure, le cerisier amorce ses toutes premières fleurs. Le ciel se charge de poussières d’épandage, quelque part un tractoriste tousse et pleure, non par mauvaise conscience (Tu veux mon poing dans ta gueule ?) mais à cause du rhume des foins. Hum…
           Cela n’empêchera pas les patates de germer. Lâche l’affaire, on te dit. Il y a de la poussière à aspirer. De l’air, de la terre, de l’eau si tu as le courage – les tommettes étaient d’un rouge vermillon à l’origine. Au coin de la rue c’est chez toi. Hop, il n’y a plus personne.

jeudi 19 décembre 2019

19 mars

L’appel d’air te mène à la guerre. Où frapper, soumettre et pardonner.

Petit salopiaud, tu es bien comme les autres, dans tes oreilles
le son assourdi de tes cavernes mentales,
as-tu oublié tes bouchons ?

Dehors la stridence des foreuses à béton fait écho
à la panique des chiroptères.

Malheur à qui voudrait se distinguer. Malheur aux autres invisibles,
 qui auront faim. Le premier bouffé précédera le premier zombie,
 on y regardera à deux fois avant de partir au turbin.

Tu écrases ton gobelet avant de le jeter.

Tu te couches sur le côté tel un empereur décadent,
tu passes une langue infâme sur des lèvres grasses,
tout cela t’appartient, tout cela est à toi.

Le feu consumera en priorité celles qui se tairont, ça leur apprendra.

Mais toi tu n’oublieras pas le vieux micocoulier du jardin,
les pies qui sautillaient, l’absence de souffrance.
Un brin d’herbe entre deux doigts.

mercredi 18 décembre 2019

18 mars


Tu pensais n’avoir qu’à te passer la main dans les cheveux devant la glace, mais quelque chose ne va toujours pas, jusqu’où fermer les boutons, combien de centimètres de col à laisser dépasser, et les manches, ne te font-elles pas des mains de pingouin, et n’est-ce pas une tache, là, sur le revers ? Des heures à se préparer, en profiter pour ranger un peu cette chambre, trier, jeter par la fenêtre dans la benne à gravats que les ouvriers ont déposée dans le jardin. Tes souvenirs sont des feuilles mortes, tu voudrais arriver sans te sentir au bord de l’effondrement psychique, Oh, merci, merci, désolé, mais non, je ne crois pas, vous croyez ? Attendez, ne vous inquiétez pas pour moi, ça va, ça va aller, ça va très bien, j’ai juste besoin d’un verre d’eau, de m’asseoir, de pleurer, de dormir… Elle demandera si cela ne te gêne pas d’être vouvoyé, tu t’étonneras qu’elle marche si vite malgré ses talons. Mais vouvoie-moi ! répondras-tu comme si tu l’en priais. Marie-Suzanne ne se sera pas départie de son sourire, toujours empressée à rendre service et à voir le bon côté des choses (d’ailleurs c’est elle qui observera qu’un des boutons du bas de ta chemise est en décalage par rapport à sa boutonnière), elle émettra un petit rire. Tu t’excuseras et tu chercheras de toute urgence un endroit où t’isoler.

mardi 17 décembre 2019

17 mars


La grêle fouette son bienfaisant inconfort.
C’est bientôt fini.
Cela va commencer, attention !
Les oiseaux s’indiffèrent.
Et ce chat, peinard, entre les flaques, passé l’âge d’être craintif.
Ton manteau tu n’en as pas besoin.

Les canalisations apportent à domicile la mort, plus rarement l’amour.
Mais est-ce une raison pour flipper ?
Avec tes os on pourra reconstituer un squelette de loup.
À jamais figé dans le guet.
Vois comme elle t’attendait.
Sa silhouette encore imprécise.

lundi 16 décembre 2019

16 mars


Procéder par étapes, d’abord la détestation. Les gens autour sont hideux, leurs voix, leurs mots, leurs gestes. Les mieux adaptés sont carrément ignobles avec leur air satisfait. Bon. De quoi déblatérer pendant des heures. Tout contaminer, soi-même on est horrible. Passer à la suite : l’espoir est toxique. Celui de « tant qu’il y a de la vie », une vraie dégueulasserie. Ou de « la prochaine fois peut-être ». Cet espoir-là n’aboutit qu’à confirmer le désespoir. Car entendons-nous bien, le désespoir est toxique non moins. Pas besoin de faire un dessin. La conclusion dès lors va de soi, il s’agirait de vivre au-delà de l’espoir et du désespoir. Vous ne sentez pas le soulagement, d’un coup ? Enfin morts, on va pouvoir commencer à vivre ! On va même pouvoir ressortir de l’armoire ce bon vieux principe de plaisir dont d’austères figures nous avaient expliqué qu’il jurait trop avec notre dignité. Eh bien non, il nous va parfaitement, on n’est pas loin d’être séduisants. Il se marie sans obstacle majeur avec notre éthique, contrairement avec ce qu’on avait cru. Une habitude à prendre, sans doute. Et après, que se passe-t-il ? Les gens sont moins laids, ils sont biscornus (dit-elle). Ils sont drôles aussi, vus en léger décalage. L’altérité fait moins violence (suggère-t-il), te souviens-tu quand tu venais de naître et que dans ton appréhension du monde primait l’étonnement ? Au feu l’espoir, donc, et ça nous redonnera de l’avenir.

dimanche 15 décembre 2019

15 mars


           Va plutôt chercher l’inconfort là où il s’impatiente (l’inconfort n’attend pas sur un divan moelleux avec une coupe de fruits à portée de main indolente, l’inconfort a été jeté comme un malpropre dans le placard à balai, il est sa propre raison d’être, sa métonymie, sa tautologie, son comble sous l’escalier), dans une poche de ses haillons tu retrouveras l’enthousiasme. Et puis sors d’ici, on n’en peut plus de tes figures de style et de tes allégories puériles, secoue les puces de ton chien ou les figues de ton figuier, cours, dépêche-toi, pars quelque part !
           La serveuse vous apporte vos boissons dynamisantes à base de fruits. Tu regardes la feuille de menthe qui repose sur une couche de glace pilée, te voilà la feuille à la main, tu regardes les gouttes couleur carotte détox qui tombent sur la surface blanche de la table, enfin tu comprends qu’une serviette en papier te serait utile. Comme tu es lent… Combien de fois te quittera-t-on gentiment, en louvoyant autour des récifs de la lassitude, de la déception, de l’insuffisance et de l’incompétence ? Tu diras merci, désolé, attention à ta manche, et il s’agira de tout autre chose.