Procéder par étapes, d’abord la détestation. Les gens autour
sont hideux, leurs voix, leurs mots, leurs gestes. Les mieux adaptés sont carrément
ignobles avec leur air satisfait. Bon. De quoi déblatérer pendant des heures.
Tout contaminer, soi-même on est horrible. Passer à la suite : l’espoir
est toxique. Celui de « tant qu’il y a de la vie », une vraie
dégueulasserie. Ou de « la prochaine fois peut-être ». Cet espoir-là
n’aboutit qu’à confirmer le désespoir. Car entendons-nous bien, le désespoir
est toxique non moins. Pas besoin de faire un dessin. La conclusion dès lors va
de soi, il s’agirait de vivre au-delà de l’espoir et du désespoir. Vous ne
sentez pas le soulagement, d’un coup ? Enfin morts, on va pouvoir
commencer à vivre ! On va même pouvoir ressortir de l’armoire ce bon vieux
principe de plaisir dont d’austères figures nous avaient expliqué qu’il jurait
trop avec notre dignité. Eh bien non, il nous va parfaitement, on n’est pas
loin d’être séduisants. Il se marie sans obstacle majeur avec notre éthique,
contrairement avec ce qu’on avait cru. Une habitude à prendre, sans doute. Et
après, que se passe-t-il ? Les gens sont moins laids, ils sont biscornus
(dit-elle). Ils sont drôles aussi, vus en léger décalage. L’altérité fait moins
violence (suggère-t-il), te souviens-tu quand tu venais de naître et que dans
ton appréhension du monde primait l’étonnement ? Au feu l’espoir, donc, et
ça nous redonnera de l’avenir.