Il lui explique qu’il s’agit d’une mère et de
son enfant, la petite pierre étant l’enfant, et la grosse, la mère. La plus
grande a un trou, mais aussi un endroit plat pour que la petite puisse s’y
poser.
Il lui explique que l’artiste devait être lasse
des visages et des tragédies, qu’elle rêvait d’un langage universel.
Un langage où le monde parle de lui, dit-il, au
lieu de nous à sa surface qui nous disputons bêtement dans toutes sortes de
langues.
Ali Smith (in Hiver)
(à propos de Barbara Hepworth)
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Après la naissance de Suzanne, j’avais très vite pensé que
devenir mère me rendait beaucoup plus fragile et beaucoup plus forte, beaucoup
plus proche de la vie et beaucoup plus proche de la mort, qu’il me faudrait
désormais faire avec cette nouvelle équation. Pendant ces mois de recherches, j’avais
appris que tout tissage s’élaborait sur le métier avec un fil de trame et un
fil de chaîne, ces deux fils étant opposés. Le premier placé dans la largeur,
le second dans la longueur, le tissu n’existant qu’à la condition de leur
croisement, celui des contraires. Tandis que le fil de chaîne tendu sur le
métier fait office de structure, le fil de trame, lui, va et vient, dessine ses
vagues, enroulé sur la navette.
J’étais ces deux fils à la fois, la naissance de Suzanne m’avait
offert de le découvrir. Aucun des deux n’était plus créatif que l’autre. Dans
les tissus les plus ordinaires, on finissait d’ailleurs par ne plus les
distinguer : la trame, la chaîne, servaient toutes deux à la naissance d’une
unité.
Marie Richeux (in Sages femmes)