lundi 27 juin 2022

Rhizomiques #110

Et puis soudain, elle se penche vers moi et m’enlace. L’adolescence ressemble décidément aux étés bostoniens : des orages balayés par le soleil en un clin d’œil. Quelques averses de grêle. Et de temps en temps, des cieux limpides.
J’enroule mes bras autour d’elle comme si je pouvais de nouveau lui servir de cocon, lui éviter les secousses de la vie. Les sensations que j’éprouvais quand je la couvais sous les arceaux protecteurs de ma cage thoracique affluent à ma mémoire. L’idée d’avoir deux cœurs battant à l’unisson. Ces sensations sont toujours présentes. Mais les battements sont parfois moins audibles. 
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Elle n’osait jamais les câliner, les prendre dans ses bras. (…) L’amour qu’elle ressentait pour eux était un bouillonnement intérieur coupé de tout influx nerveux. 
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Je n'ai jamais eu envie d'un bébé. Je n'ai jamais ressenti ce désir que tant de femmes décrivent, qui les frappe d'un coup. A tout juste trente-huit ans, cela faisait une éternité que j'attendais que ce désir me submerge, mais ça ne venait pas. Alors je considérais toujours la question avec désinvolture, comme un truc légèrement rebutant : un bout d'oignon que j'aimerais autant ne pas mettre dans mon assiette. 
Mais j'aimais avoir le choix de faire un bébé si finalement j'en voulais un. J'aimais avoir l'avenir devant moi. (...) Ma décontraction sur la question des enfants était en partie liée au fait que je mesurais la chance que j'avais de pouvoir choisir un jour, si je le désirais. L'idée que ce jour était très lointain me plaisait bien. Cette distance avait le goût du luxe. 
J'avais secrètement jugé les femmes qui regrettaient de n'avoir jamais eu d'enfant, et qui avaient passé l'âge de la grossesse. Peut-être que je les jugeais parce que j'avais peur de devenir l'une d'entre elles. Mais à trente-huit ans désormais, mon temps commençait à être compté. Je ne voulais toujours pas d'un enfant. Je ne savais pas ce que j'aurais fait d'un enfant si j'en avais eu un. Mais je regrettais cet espace ouvert devant moi, où je pouvais décider. 
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Il n’avait jamais su convertir son amour en paroles. Il aurait tant voulu tenir le gamin comme il le faisait autrefois, le prendre tout entier dans ses bras, le serrer contre lui en disant : Mon petit, mon petit. Le sentiment déraisonnable qui s’emparait de lui un peu plus chaque jour était comme un courant sournois caché sous une surface lisse et immobile, une lame de fond capable de vous entraîner vers votre perte.

Jodi Picoult (in Le Livre des deux chemins)
& Florence Seyvos (in La sainte famille)
& Melissa Broder (in Sous le signe des poissons)
& Donal Ryan (in Par une mer basse et tranquille)