Le bruit courait que la fin de l’apartheid était en vue, que la démocratie fleurissait partout en Amérique du Sud, que la Chine s’ouvrait au reste du monde, et qu’à présent l’énorme navire impérial soviétique prenait l’eau de toutes parts. Alors qu’ils allaient quitter la cuisine, Roland conclut avec emphase qu’au début du nouveau millénaire, onze ans plus tard seulement, l’humanité aurait atteint un degré supérieur de maturité et de bonheur.
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Jerry gratte sa guitare. « Toutes les trois, quatre générations, émerge une génération de radicaux, de révolutionnaires. Nous, les amis, on est les frotteurs de lampe. On se déchaîne, on se fait tirer dessus, on se fait infiltrer, on se fait acheter. On meurt, on fait faillite, on passe à l’ennemi. Ça, c’est clair et net. Mais les génies qu’on libère, ils restent libres. Aux oreilles des jeunes, ils chuchotent ce qui était auparavant indicible : "Hé, gamins… il n’y a pas de mal à être gay." Ou : "Et si la guerre n’était pas une preuve de patriotisme, mais que c’était juste complètement crétin ?" Ou encore : "Pourquoi si peu de gens possèdent-ils tellement, putain ?" À court terme, on a l’impression que pas grand-chose ne change. Ces gamins sont loin des leviers du pouvoir. Du moins pour l’instant. Mais à long terme ? Ces chuchotements sont les esquisses de l’avenir. »
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« Je ne suis pas en train de sauver le Nicaragua, je ne fais que ce que je supporte de faire de la vie dans ces circonstances. (…) J’ai choisi mon camp. Et je sais que nous pouvons perdre. Je n’ai jamais vu des gens tant souffrir pour un idéal. Ils en ont marre à crever de l’embargo et de la guerre. (…) Et tu sais quoi ? Ce n’est même pas ça que je prends en considération, là n’est pas le problème. Tu crois que la révolution est un grand tout ou rien. Moi, je la vois comme un matin de plus au milieu d’un champ de coton moite, à inspecter le dessous des feuilles pour voir ce qui s’est passé là, à inventer quelque chose qui n’ouvrira pas la voie à des problèmes plus graves la semaine d’après. En ce moment précis, c’est ce que je fais. (…) Voilà ce que j’ai décidé : le moins que tu puisses faire dans ta vie c’est de déterminer ce en quoi tu espères. Et le plus que tu puisses faire, c’est de vivre dans cette espérance. Non l’admirer de loin, mais vivre à plein dedans. Ce que je cherche est tellement simple que je ne peux pratiquement pas l’exprimer : l’élémentaire générosité. Assez à manger, assez d’espace pour circuler. La possibilité que les gosses puissent un jour grandir et ne soient ni les destructeurs ni les détruits. C’est à peu près tout. »
Ian McEwan (in Leçons)
& David Mitchell (in Utopia Avenue)
& Barbara Kingsolver (in Une rivière sur la lune)
& David Mitchell (in Utopia Avenue)
& Barbara Kingsolver (in Une rivière sur la lune)