Si un être humain parvenait à ranimer un corps, par le galvanisme ou quelque autre méthode encore inconnue, l’esprit reviendrait-il ?
Je ne le crois pas. Le corps nous trahit et succombe. Mais le corps n’est pas l’essence de ce que nous sommes. L’esprit ne regagnera pas une demeure en ruine.
Comment pourrais-je t’aimer, mon bel homme, si tu n’avais pas ce corps ?
Est-ce mon corps que tu aimes ?
Comment lui dire que je passais la nuit à l’observer quand il dormait, quand son esprit était au repos et ses lèvres silencieuses, et que je l’embrassais pour le remercier de ce corps que j’aimais ?
Je te vois comme un tout, dis-je.
Il m’entoura de ses longs bras et me berça dans notre lit humide. Quand mon corps succombera, si je le peux, je projetterai mon esprit dans un rocher, un cours d’eau ou un nuage, dit-il. Mon esprit est immortel – je le sens.
(…) Comme il est chaud entre mes bras. Comme il est loin de la mort.
Je ne le crois pas. Le corps nous trahit et succombe. Mais le corps n’est pas l’essence de ce que nous sommes. L’esprit ne regagnera pas une demeure en ruine.
Comment pourrais-je t’aimer, mon bel homme, si tu n’avais pas ce corps ?
Est-ce mon corps que tu aimes ?
Comment lui dire que je passais la nuit à l’observer quand il dormait, quand son esprit était au repos et ses lèvres silencieuses, et que je l’embrassais pour le remercier de ce corps que j’aimais ?
Je te vois comme un tout, dis-je.
Il m’entoura de ses longs bras et me berça dans notre lit humide. Quand mon corps succombera, si je le peux, je projetterai mon esprit dans un rocher, un cours d’eau ou un nuage, dit-il. Mon esprit est immortel – je le sens.
(…) Comme il est chaud entre mes bras. Comme il est loin de la mort.
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- J’ai une idée. Puisque je t’attire et que tu m’attires, pourquoi ne pas aller faire l’amour chez moi et voir ce qui se passe ensuite, sans engagement.
- Ce serait trahir Marc.
- Tu pourrais le qualifier ainsi ou considérer que tu es excessive en ce qui a trait à ta loyauté.
- Si je couche avec toi, je ne serai plus fidèle mais infidèle.
- Pas obligatoirement. Si nous couchons ensemble une fois et que ça n’a rien d’exceptionnel, tu deviendras encore plus fidèle et liée à Marc parce que, chaque fois que tu verras mes muscles sous mon tee-shirt et que tu seras attirée par moi, tu te diras : J’ai déjà couché avec lui et ce n’était pas génial, alors je me fiche de ses muscles, non ?
- Tu revêts ton désir d’une couche de rationnel.
- Mon désir est rationnel.
- Le désir ne l’est jamais, il est biologique.
- Mon désir pour toi est parfaitement rationnel. L’association de tes qualités séduisantes te rend irrésistible pour moi. En réalité, il me faut énormément d’énergie pour m’empêcher de tendre le bras pour toucher tes cheveux en ce moment précis.
- Non ! assène-t-elle.
- Je ne le ferai pas. Je vais continuer à dépenser de l’énergie pour résister à cette pulsion. Mais ce n’est pas évident.
- Tu pourrais t’en aller, cela faciliterait les choses. (…)
- Je ne peux pas m’en aller, parce que l’énergie que je dépense pour résister à l’envie de te caresser les cheveux ne m’en laisse pas assez pour marcher, ni même pour me relever. Peut-être que c’est toi qui devrais partir.
- Oui, acquiesce-t-elle. C’est ce que je vais faire.
- Ce serait trahir Marc.
- Tu pourrais le qualifier ainsi ou considérer que tu es excessive en ce qui a trait à ta loyauté.
- Si je couche avec toi, je ne serai plus fidèle mais infidèle.
- Pas obligatoirement. Si nous couchons ensemble une fois et que ça n’a rien d’exceptionnel, tu deviendras encore plus fidèle et liée à Marc parce que, chaque fois que tu verras mes muscles sous mon tee-shirt et que tu seras attirée par moi, tu te diras : J’ai déjà couché avec lui et ce n’était pas génial, alors je me fiche de ses muscles, non ?
- Tu revêts ton désir d’une couche de rationnel.
- Mon désir est rationnel.
- Le désir ne l’est jamais, il est biologique.
- Mon désir pour toi est parfaitement rationnel. L’association de tes qualités séduisantes te rend irrésistible pour moi. En réalité, il me faut énormément d’énergie pour m’empêcher de tendre le bras pour toucher tes cheveux en ce moment précis.
- Non ! assène-t-elle.
- Je ne le ferai pas. Je vais continuer à dépenser de l’énergie pour résister à cette pulsion. Mais ce n’est pas évident.
- Tu pourrais t’en aller, cela faciliterait les choses. (…)
- Je ne peux pas m’en aller, parce que l’énergie que je dépense pour résister à l’envie de te caresser les cheveux ne m’en laisse pas assez pour marcher, ni même pour me relever. Peut-être que c’est toi qui devrais partir.
- Oui, acquiesce-t-elle. C’est ce que je vais faire.
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Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l'acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence physique de l'être que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la sonorité de la voix comme si celle-ci n'était qu'une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons.
Jeanette Winterson (in Frankissstein : une histoire d’amour)
& Jennifer Egan (in La maison en pain d’épices)
& Marcel Proust (in Du côté de chez Swann)
& Jennifer Egan (in La maison en pain d’épices)
& Marcel Proust (in Du côté de chez Swann)