La hype est-elle affaire de
morale ? Binh-Dû veut bien le croire, mais peut-être est-ce parce qu’on
pourrait le qualifier de moralisateur. L’idée séduit, toutefois, d’accoler au
bon l’agréable. Tous ces gens aux yeux brillants, quel que soit l’effet qui les
porte à danser, quels que soient les oublis volontaires dont ils purgent leur
conscience, et même en prévision de lendemains défraîchis... donnent l’envie de
vivre et d’aimer. Ils sont là au-dehors, en cette deuxième décennie du
troisième millénaire après Jésus, ils étaient là dans les années 90 – dont la
nostalgie étreint curieusement Binh-Dû qui ne sortait guère à l’époque –, et
assurément dans les années 70, et les années 20, et les années folles, et
n’importe quelle décennie, n’importe quelle année pourvu qu’on y ait exercé son
droit de jeunesse. Tous les danseurs en noir et blanc sont morts à présent,
sans parler de ceux d’avant. Mais l’amour est semblable.
C’est une intensité de puissance, un élan dirigé. Binh-Dû hors l’amour
pense souvent qu’il pourrait tuer. En toute situation l’opportunisme règne,
c’est une tautologie négligée. Ses amis se trouvaient précisément là où il
pouvait faire leur rencontre, de même le quidam arrogant qui longe la rambarde
du pont. Dans tous les cas nous est offerte la possibilité de se tester au
contact de l’autre, qu’on se frappe ou se caresse. Oui, hors l’amour c’est
encore de l’amour. Hors de l’autre on en revient toujours à soi. Dans tout ce
mic-mac la morale n’est pas sauve, et l’amusement se fait la malle. Sous le
couvert des arbres où le soleil ne pénètre pas, la peau des avant-bras se
contracte en chair de poule, à la nuit nous tremblerons comme si nous avions
vécu notre dernier jour, comme si cette vision de décennies perpétuelles était
l’hallucination d’un optimiste. Bien fait pour toi ! Frappe-toi les flancs
et saute sur place !