Une femme superbe marche devant Binh-Dû, il approuve le rythme de ses
pas, leur envergure, le léger cambré de son dos, la simplicité fonctionnelle et
élégante de ses vêtements, les ondulations de sa chevelure blonde qui lui tombe
en-dessous des épaules. Il se déporte pour apercevoir son visage, il la voit de
trois quarts face à présent, Dieu qu’elle est belle ! Perdue dans ses
pensées elle ne le voit pas, il s’en va. Hier il aurait été comme un petit frère,
aujourd’hui il est comme un vieux père. Que s’est-il passé ? Où était-il
entretemps ?
Le boulevard s’efface, Binh-Dû croit reconnaître ce carrefour, à droite
un pont d’échangeur, à gauche un long mur qui enclot sans doute le parc du
château. Mais alors, est-ce qu’il n’y avait pas, juste avant, sur le trottoir
d’en face... Elle n’était pas encore arrivée, la nuit tombait, il avait longé
le mur en l’attendant, tentant d’apaiser son cœur. Un taxi les avait klaxonnés
quand ils s’étaient embrassés. Avant qu’ils n’entrent dans l’hôtel. Il n’y a
plus trace d’hôtel, c’était moins de dix ans auparavant. Le président
peaufinait son plan de carrière.